L'anesthésie prend en compte la mère et les nouveau-nés - La Semaine Vétérinaire n° 1216 du 04/03/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1216 du 04/03/2006

Césarienne et mortinatalité

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Cyrill Poncet

Fonctions : praticien au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).
Article réalisé d'après la conférence « L'anesthésie de la césarienne », présentée lors du congrès de l'Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), à Toulouse, du 2 au 4 décembre 2005.

Le protocole anesthésique vise à diminuer au maximum la mortalité des nouveau-nés, plus élevée que lors d'une mise bas naturelle.

En médecine vétérinaire, les décès de nouveau-nés délivrés par césarienne restent encore importants (6 à 13 %) par rapport à la mise bas naturelle. En outre, une césarienne réalisée dans l'urgence augmente significativement cette mortalité périnatale, qui est moindre lorsque l'intervention est planifiée.

Pour réduire le taux de mortinatalité et les facteurs de risque, il convient d'évaluer les particularités physiologiques de la chienne et de la chatte lors de la mise bas afin d'adapter avec raison le protocole anesthésique. En effet, il n'existe pas de protocole unique, ni de mauvais anesthésiques. Une bonne anesthésie vise plusieurs objectifs :

- assurer une analgésie, une myorelaxation et/ou une perte de conscience suffisantes pour procéder à la césarienne ;

- créer une dépression minimale chez la mère et les nouveau-nés (puisque les anesthésiques traversent le placenta) ;

- mettre au monde des nouveau-nés viables ;

- replacer la mère et ses jeunes le plus rapidement possible dans leur environnement naturel.

Au moment de la mise bas, le volume sanguin augmente de 40 %. Parallèlement, le débit cardiaque est physiologiquement en hausse. Le flux sanguin fœtal dépend étroitement de la pression sanguine systémique. Ainsi, une hypotension (dépression anesthésique, état instable de l'animal, pertes liquidiennes) ou une augmentation de la résistance vasculaire périphérique (stress, douleur, excitation, choc) affectent directement le flux sanguin utérin. Une perfusion durant toute la période périopératoire est systématiquement envisagée.

La fonction respiratoire est diminuée, alors que les demandes en oxygène sont accrues. Ces modifications rendent les animaux sujets à l'hypoxémie et l'hypercapnie. Une préoxygénation systématique de la mère avec un masque à oxygène est réalisée, suivie d'une intubation endotrachéale après l'induction anesthésique.

Les besoins en anesthésique sont nettement plus faibles pour une chienne en fin de gestation. Pour les anesthésiques fixes, l'augmentation du volume sanguin total occasionne une dilution, notamment une hypoalbuminémie, entraînant une moindre fixation des produits sur les protéines et donc une meilleure diffusion. Pour les anesthésiques volatils, la hausse de la ventilation alvéolaire accroît leur efficacité (diminution de 20 % de la concentration alvéolaire minimale en halothane et de 40 % en isoflorurane). En pratique, cela conduit à induire avec une dose la plus faible possible, et à réinjecter uniquement si nécessaire (en l'absence d'anesthésie volatil).

Au niveau digestif, la vidange gastrique est retardée en raison du déplacement de l'estomac, de la pression de l'utérus sur les autres viscères et de la diminution de la motilité gastrique. En outre, en situation d'urgence, les animaux ne seront pas systématiquement à jeun. Les risques de régurgitation sont donc importants. L'utilisation d'un prokinétique (métoclopramide), la protection des voies respiratoires par une sonde endotrachéale et son retrait uniquement après le retour du réflexe de déglutition limitent les risques de fausse route.

La tranquillisation n'est pas indispensable, contrairement à la préoxygénation

Tous les tranquillisants, analgésiques et anesthésiques passent facilement la barrière placentaire (sauf le glycopyrrolate). Les nouveau-nés seront sous les effets des molécules administrées à la mère. Leur métabolisme et leur système d'élimination n'étant pas encore matures, les effets des produits administrés pourront être accentués et plus longs que chez la mère. Dans le choix du protocole anesthésique, il est donc important de recourir à des produits de courte durée d'action, possédant le moins d'effet secondaire possible.

La tranquillisation n'est pas une étape indispensable. L'utilisation de l'acépromazine est à éviter (risque d'hypotension), sauf si l'animal est trop stressé. Mieux vaut écarter les produits à effet émétisant tels que les morphiniques. Après la pose d'un cathéter intraveineux, l'injection d'une dose de diazépam (0,2 à 0,4 mg/kg) est une solution de choix en raison de ses faibles effets dépresseurs respiratoires et cardiovasculaires. Le midazolam (0,1 à 0,3 mg/kg) peut être utilisé par voie intramusculaire. Ces deux benzodiazépines possèdent un antagoniste, en cas de léthargie fœtale : le flumazénil (0,1 mg/kg par voie intramusculaire).

La préoxygénation est une étape importante, qui permet d'accroître les réserves en oxygène chez la mère et les futurs nouveau-nés. Il est important qu'elle soit effectuée sans stress, en utilisant par exemple un masque transparent ou une cage à oxygène pendant quelques minutes (250 ml/kg/min.).

L'anesthésie est effectuée aux doses les plus faibles possible, jusqu'à la délivrance

L'induction est réalisée pour permettre une intubation endotrachéale rapide. Les anesthésiques sont à utiliser à des doses minimales pour limiter au maximum la dépression des jeunes. Dans une étude rétrospective à grande échelle, l'utilisation du propofol ou de la kétamine est corrélée à une mortalité plus faible. Le propofol (4 à 6 mg/kg) est une molécule de choix en raison de sa métabolisation rapide. La kétamine, associée au diazépam ou au midazolam, peut être employée à faible dose (1 à 2 mg/kg, par voie intraveineuse), juste suffisante pour l'induction de la mère. Le thiopental est à éviter, en raison de ses effets dépresseurs, de sa non-réversibilité et de sa lente métabolisation. Les alpha2-agonistes sont également écartés, à cause de leurs effets émétisants et dépresseurs cardiovasculaires et respiratoires marqués. Une fois l'induction de la mère réalisée, la précision des gestes et leur rapidité jusqu'à l'extraction des nouveaux-nés auront une incidence importante sur la vitalité des chiots ou des chatons.

La maintenance est effectuée de préférence à l'aide d'agents volatils halogénés. L'isoflurane est la molécule de choix : elle est à la fois plus réversible que l'halothane, moins dépresseur cardiovasculaire et est éliminée sous forme inchangée par les poumons à plus de 98 %. Chez les nouveau-nés, son élimination n'est donc pas dépendante de la maturité du système hépatique ou rénal. Le protoxyde d'azote ou le méthoxyflurane ne sont pas recommandés. Une fois les jeunes délivrés, l'anesthésie peut être approfondie jusqu'à l'issue du geste chirurgical. En l'absence d'anesthésique volatil disponible, le protocole qui associe le diazépam (0,2 à 0,4 mg/kg) à la kétamine (4 à 6 mg/kg) peut être utilisé, avec toutefois un long réveil pour la mère et une réanimation assez lourde des petits. Le thiopental (dose cumulative dangereuse) et le propofol (redistribution dans les heures suivant l'anesthésie) sont à éviter. Une anesthésie locale par infiltration traçante de la ligne blanche et/ou la réalisation d'une épidurale permettent un bon contrôle de l'analgésie et la potentialisation des autres agents anesthésiques.

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