L’exercice de Kergloff a redimensionné les plans d’urgence pour les maladies contagieuses - La Semaine Vétérinaire n° 1215 du 25/02/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1215 du 25/02/2006

Simulation d’influenza aviaire en France

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

La gestion d’une épizootie à risque zoonotique impose une organisation qui associe les services vétérinaires et leurs compétences aux ministères de la Santé, de l’Emploi et de l’Intérieur.

Des grandes lignes directrices se dégagent de l’exercice de simulation d’épizootie d’influenza aviaire organisé à Kergloff (Finistère) voici deux mois. Cet entraînement aux dimensions territoriales et administratives multiples et complexes s’est joué en temps réel, les 2 et 3 novembre derniers, sans prépositionnement des acteurs et des moyens. Décidé début 2005 par la direction départementale des services vétérinaires du Finistère, qui n’avait jamais organisé ce type d’événement, son objectif était d’auditer la logistique, les enquêtes dans les élevages épidémiologiquement liés, les procédures de prélèvements et la protection des intervenants. Deux scénarios ont été joués : la déclaration d’une suspicion suivie de la prise de l’arrêté préfectoral de mise sous surveillance (J1) et la confirmation de la suspicion suivie de la prise de l’arrêté préfectoral de déclaration d’infection (J2).

Un échelon régional avec une mission de coordination vétérinaire est pertinent

La dimension régionale de l’exercice s’est insérée ultérieurement dans le scénario, du fait de la collégialité inhérente à la régionalisation des services vétérinaires et du volet “rechercher l’excellence sanitaire en élevage (zoonoses et épizooties)” du projet d’action stratégique de l’Etat en région (PASER) Bretagne(1). « Les exercices menés en décembre 2003 dans les Côtes-d’Armor et en avril 2004 dans le Morbihan avaient mis en évidence cette nécessité de mutualiser les savoir-faire et de renforcer les compétences en matière de coordination », explique notre confrère Jean-Paul Le Dantec, chef de service à la Direction régionale des services vétérinaires (DRSV) de Bretagne. L’entraînement de début novembre est passé à côté du niveau régional, du fait du non-remplacement du poste de chargé de mission en santé animale à la DRSV de Bretagne (juillet 2005-janvier 2006) d’une part, à cause de la nécessaire gestion de la communication suite à la médiatisation de cet exercice d’autre part.

L’architecture actuelle des plans d’urgence contre les épizooties majeures comprend deux échelons, l’un départemental qui correspond au volet véritablement opérationnel, l’autre national (voir graphiques 1 et 2). L’expérience, les liens tissés avec les services de protection civile, l’organisation préfectorale et l’autonomie de décision expliquent les atouts de l’échelon départemental des services vétérinaires pour la gestion opérationnelle d’une crise sanitaire et l’exigence en matière de réactivité. Néanmoins, le positionnement géographique du foyer primaire fictif d’influenza aviaire a confirmé les points faibles d’une gestion de crise qui nécessite le croisement des compétences départementales. Cet entraînement a donc réaffirmé l’obligation d’harmoniser les procédures actuellement utilisées par chaque département, la nature et la forme des informations collectées, ainsi que le rythme de communication auprès des différents acteurs de la filière, soit l’organisation d’un niveau régional de coordination des plans d’urgence.

La coordination des plans d’urgence sanitaires doit être interministérielle

L’audit du volet relatif à la protection des personnes a permis d’initier une collaboration entre les services vétérinaires et ceux de santé, c’est-à-dire la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS), la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de Bretagne. Ce partenariat s’est étendu au ministère de l’Intérieur du fait de la nécessaire activation des services de sécurité civile. En effet, en la matière, la gestion de crise est assurée en premier lieu par la préfecture puis, si besoin, par la zone de défense, laquelle dépend hiérarchiquement de ce ministère. Cet élargissement interministériel a confirmé la structuration indispensable de l’articulation du fonctionnement entre les services vétérinaires et l’état-major de la zone de défense (EMZ). « Avant l’exercice, ce dernier ne connaissait pas le rôle et les missions des DDSV », explique notre confrère Jean-Paul Le Dantec. En effet, il n’existe pas de représentation des vétérinaires au sein de la zone de défense, qui a pour mission la mise en œuvre des mesures de défense non militaire, de sécurité civile, de gestion des crises et de coordination de la circulation routière. « Cela peut conduire à une confusion dans l’échelle du commandement entre vétérinaires et médecins. L’EMZ ignore les problématiques vétérinaires dans le cas de maladies légalement réputées contagieuses (MLRC), souligne notre consœur Laurence Deflesselle, directrice adjointe de la DDSV du Finistère. En outre, l’axe politique du principe de précaution va au-delà de l’expertise vétérinaire. »

Une suspicion de MLRC se gère toujours dans la confidentialité

La prophylaxie des MLRC a forgé une tradition sanitaire et une culture commune entre les organisations de production, les vétérinaires sanitaires et les services de l’Etat. Une interface existe pour la filière ponte et pour les niveaux de sélection et de multiplication de la filière avicole via les chartes sanitaires et l’organisation de la lutte contre les salmonelles. Mais une telle interface est inexistante pour la production des poulets de chair standard. « Nous sommes face à une absence de maillage sanitaire clairement établi dans la filière chair », explique Laurence Deflesselle. Selon elle, cet exercice a renforcé la légitimité du vétérinaire sanitaire dans ce secteur, l’importance du maillage sanitaire, et a rappelé que l’efficacité de la gestion d’une crise exige une proximité des acteurs sanitaires et une logistique éprouvée. « Ce type d’exercice permet de créer des partenariats, de dédramatiser les actions en matière de police sanitaire et d’atténuer les réticences et les résistances des organisations professionnelles. » De plus, en cas d’épizootie d’influenza aviaire avérée, s’appuyer sur d’autres professionnels de l’élevage pourrait constituer une aide précieuse.

Compte tenu de la contagiosité, de l’impact économique de l’influenza aviaire et du risque médiatique, déclarer une suspicion s’impose et inquiète. Bien qu’il soit fondamental de ne pas faire l’économie du diagnostic différentiel, en particulier avec la maladie de Newcastle, « trop attendre pour déclarer constitue une prise de risque particulièrement importante. Il ne faut pas oublier qu’une suspicion se gère toujours dans la confidentialité ».

Lors de l’enquête dans les exploitations épidémiologiquement liées au moment de la simulation, les trois vétérinaires sanitaires impliqués ont souligné l’inventaire incomplet des élevages de poulets de chair standard sur la zone concernée. En effet, leur recensement, non soumis à déclaration, est une mission confiée aux établissements départementaux de l’élevage. Néanmoins, les élevages dits industriels qui pourraient être absents des inventaires des services sanitaires sont connus des éleveurs voisins et constituent un risque épidémiologique mineur au regard des oiseaux de volière et de basse-cour, actuellement impossibles à inventorier et qui représentent un risque épidémiologique majeur.

Nos confrères soulignent la longueur et la lourdeur du questionnaire utilisé dans les élevages épidémiologiquement liés au foyer primaire (EEL). Selon les départements, l’enquête, partielle, a duré entre une et quatre heures. Ce recueil d’informations dépend essentiellement de la mémoire de l’éleveur et bénéficie des mesures de traçabilité existantes au sein des usines d’aliment du bétail et des services des organisations professionnelles. Toutefois, « il est nécessaire de transformer ces informations pour les rendre “sanitairement” lisibles et il convient de les hiérarchiser selon leur pertinence dans le contexte épidémiologique défini », explique notre confrère Ronan L’Helgoualch, vétérinaire à la Cooperl Hunaudaye (Côtes-d’Armor). A la suite de l’exercice, les DDSV vont revoir leur équipement de communication (lignes téléphoniques disponibles, logiciels de diffusion de télécopies), optimiser les procédures internes, harmoniser l’envoi des messages entre elles, repenser les questionnaires utilisés dans les EEL au regard des caractéristiques épidémiologiques spécifiques et se former à la gestion d’une cellule de crise.

Notre confrère Jean-Claude Hamon, praticien à Carhaix (Finistère), a eu en charge le déclenchement de l’alerte. Il souligne la désorganisation de son cabinet vétérinaire (trois vétérinaires associés) qui en aurait résulté s’il s’était prolongé plusieurs jours. Pour Thomas Ledein, praticien à Janzé (Ille-et-Vilaine), « travailler à six en productions animales permet de gérer plus facilement cette exigence de disponibilité ».

Tous les acteurs, quel que soit leur niveau d’implication dans l’exercice, attestent de son intérêt indéniable. « Ce type de simulation est indispensable. Nous devrions tous en avoir fait au moins un », soulignent-ils. Par ailleurs, il est important d’insister sur le rôle déterminant joué par les éleveurs. En effet, cet entraînement n’aurait pu être possible sans leur ténacité.

Vocabulaire

• SIDPC : service interministériel de défense et de la protection civile.

• DDE : direction départementale de l’équipement.

• SDIS : service départemental d’incendie et de secours.

• TPG : trésorier payeur général.

• COD : centre opérationnel départemental, poste de commandement fixe. Il a pour mission de vérifier la bonne exécution du plan et des consignes qu’il contient.

• PCO : poste de commandement opérationnel. Il a pour mission la coordination des différents dispositifs de terrain et la surveillance du bon déroulement des opérations.

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