Les résultats zootechniques indiquent l’inadéquation entre les besoins et la ration - La Semaine Vétérinaire n° 1214 du 18/02/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1214 du 18/02/2006

Suivi nutritionnel du troupeau laitier

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Anne Thébault

La production de lait, les TP et TB, l’état corporel, les intervalles vêlage-premières chaleurs et vêlage-première insémination et le taux de réussite en première insémination sont des critères à analyser.

La réalisation d’un suivi nutritionnel en troupeau laitier implique d’abord l’étude des aliments dont l’éleveur dispose et la façon dont il les distribue1. Une analyse des résultats sanitaires et zootechniques est ensuite nécessaire de façon à établir une corrélation avec le mode d’alimentation. Les résultats zootechniques mettent en évidence une inadéquation entre la ration distribuée et les besoins des animaux. Celle-ci peut avoir plusieurs origines [2] : l’impossibilité de distribuer une ration équilibrée avec les aliments et les moyens à disposition, le non-respect des conseils (récoltes, conservation, mode de distribution, quantités, etc.), une erreur dans l’appréciation de la composition des aliments (teneur en matière sèche, par exemple) ou de la quantité réellement consommée, un trouble clinique ou subclinique qui perturbe l’appétit des animaux. La variation propre à chaque individu est un autre facteur. L’efficacité de transformation de la ration peut en effet changer d’une vache à l’autre.

En dehors des maladies cliniques, les critères d’alerte qui permettent de signaler une anomalie dans la ration résident dans les performances de production, la composition du lait, l’état corporel des animaux et les résultats de reproduction [2].

Les compteurs à lait automatiques permettent de détecter les non-réalisations de pic

Une détection précoce des troubles du rationnement peut être réalisée grâce à l’observation de la production laitière, à l’aide des logiciels qui tracent les courbes moyennes de production et de taux pour l’ensemble du troupeau ou pour un groupe de vaches déterminé.

En ce qui concerne la quantité, plutôt que les contrôles laitiers qui ne sont réalisés que tous les mois, c’est la mesure quotidienne des productions en salle de traite qui permet de déceler les non-réalisations de pic. Elle est effectuée à l’aide de compteurs à lait automatiques.

En milieu et en fin de lactation, la production diminue régulièrement de 8 à 10 % par mois. Toute baisse de plus de 15 % est anormale. Le plus souvent, des facteurs alimentaires sont en cause. La vigilance est également requise en cas de chute temporaire : il est fréquent que la production de lait décline le jour des chaleurs ou lors de fortes températures ambiantes [2].

L’appréciation du niveau du tank est difficile. La sortie des vaches taries, l’entrée de celles qui viennent de vêler et le mélange des animaux en début ou en fin de lactation sont en effet des facteurs de variation trop importants.

En général, lors de déséquilibre alimentaire, TP et TB varient en sens contraire

La composition du lait est liée à l’alimentation. Les variations des taux protéique (TP) et butyreux (TB) sont des témoins de l’équilibre alimentaire. Dans des conditions courantes, il est possible d’observer des écarts de l’ordre de 1 à 2 g/kg pour le TP et de 3 à 4 g/kg pour le TB entre les régimes alimentaires [6]. L’interprétation la plus fiable est individuelle ou porte sur des groupes d’animaux au même stade physiologique.

En règle générale, les deux taux varient en sens contraire en cas de déséquilibre alimentaire. Les rations riches en concentrés abaissent le TB, mais augmentent le TP. Une exception existe toutefois : les rations riches en lipides non protégés abaissent les deux taux [2].

Le TB est en relation directe avec l’alimentation. Il diminue lors d’excès de concentrés ou de manque de structure de la ration et lors de l’utilisation de fourrages ou de concentrés broyés qui engendrent une mastication et une salivation moindres ainsi qu’un abaissement du pH ruminal. En début de lactation, le TB est élevé en raison de la mobilisation des graisses de réserve, du moins chez les vaches en état d’engraissement suffisant. Chez les vaches trop maigres au vêlage, le TB reste faible. Si le déficit énergétique est important en durée et en intensité, les réserves corporelles sont épuisées est le taux chute au deuxième contrôle [1]. En outre, l’acidose ruminale peut faire baisser le TB lorsque la sous-alimentation énergétique de début de lactation est secondaire à un état acidosique lié à une mauvaise transition alimentaire [2].

Le TP est moins lié à l’alimentation et dépend surtout du potentiel génétique des animaux [8]. Il est diminué par un apport énergétique insuffisant, l’adjonction de lipides alimentaires, et par un apport insuffisant de lysine et de méthionine chez les vaches hautes productrices [1]. En début de lactation, le TP est plus faible, souvent associé à une sous-alimentation (risque de cétose). Il atteint son niveau maximal en fin de lactation.

Moins de 10 % des vaches devraient avoir des notes supérieures à 4 ou inférieure à 2,5

L’état corporel des vaches est évalué à l’aide de notes allant de 0 (très maigre) à 5 (très grasse, voir tableau 1). Il constitue un bon indicateur de l’adéquation entre les besoins énergétiques et les apports. Le jugement porte sur l’ensemble du troupeau : moins de 10 % des vaches devraient avoir des notes supérieures à 4 ou inférieures à 2,5.

La note revêt un intérêt particulier autour du vêlage. Si elle est supérieure à 4 avant, il s’agit d’un facteur favorisant de cétose. Si elle baisse de plus d’un point au cours des huit premières semaines après le vêlage, c’est le signe d’un déficit énergétique important, et d’un risque de cétose.

Pour le poids moyen des veaux à la naissance, il faut confronter les résultats obtenus avec les moyennes, selon la race et le sexe. Si le poids moyen est trop réduit, l’influence de l’alimentation de la vache adulte est assez faible. En revanche, les excès d’apport en fin de gestation chez les primigestes qui ont connu antérieurement un retard de croissance conduit à des dystocies.

Un déficit énergétique en début de lactation affecte les performances de reproduction

L’analyse des performances de reproduction ne fournit que des résultats a posteriori, mais les relations entre l’alimentation et la reproduction sont nombreuses. La plus importante est le déficit énergétique en début de lactation : les cétoses entraînent un retard des premières chaleurs (retard d’ovulation ou chaleurs silencieuses) et un taux de réussite moindre en première insémination [2].

Les intervalles vêlage-premières chaleurs (VC1) et vêlage-première insémination (VI1) sont des critères à prendre en considération pour détecter les problèmes d’ordre alimentaire. Les excès énergétiques au tarissement, les déficits énergétiques en début de lactation (avec lipomobilisation importante), les carences en calcium et en phosphore, les excès de phosphore allongent les intervalles VC1 et VI1 [8] (voir tableau 2).

Le taux de réussite en première insémination (TRI1) et l’intervalle vêlage-insémination fécondante (VIF) doivent également retenir l’attention. Si le VC1 et le VI1 sont corrects, il est nécessaire de surveiller un éventuel déficit de début de lactation s’accompagnant d’un amaigrissement des vaches [8]. Par ailleurs, il convient de considérer la proportion de vaches inséminées trois fois et plus : les carences en oligo-éléments peuvent être responsables d’un taux élevé.

Les relations entre alimentation et maladies (métaboliques ou non) sont nombreuses. Les boiteries en début de lactation, par exemple, sont associées à de l’acidose (fourbure). Les cétoses doivent être reliées à l’alimentation au moment du tarissement (excès de concentrés ou d’ensilage riche en grains) ou au début de lactation (déficit en énergie et excès d’azote). Les vêlages difficiles peuvent avoir une origine alimentaire (encombrement graisseux de la filière pelvienne des vaches lors d’excès énergétique). Par ailleurs, les hypomagnésiémies et les hypocalcémies proviennent d’un déséquilibre minéral.

Le suivi nutritionnel des troupeaux de vaches laitières est parfois délicat. Sans remettre en cause toutes les méthodes de l’éleveur, il convient de lui faire accepter des modifications. Une meilleure utilisation ou une meilleure distribution des aliments en stock, un changement dans les cultures ou les achats, une division du troupeau en lots peuvent suffire à corriger la situation. Certaines de ces transformations demandent un investissement important, mais il est souvent payant à long terme.

  • (1) Voir La Semaine vétérinaire n° 1213 du 11/2/2006, pp. 42-43.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - F. Enjalbert : « Alimentation et composition du lait de vache », Le Point Vétérinaire, 1994, vol. 25, n° 156, pp. 769-778.
  • 2 - F. Enjalbert : « Conseil alimentaire et maladies métaboliques en élevage », Le Point Vétérinaire, 1995, vol. 27, numéro spécial, pp. 713-718.
  • 3 - C. Federici : « Suivi global du troupeau laitier : mode d’emploi », La Dépêche Vétérinaire, 1997, n° 524, pp. 18-19.
  • 4 - M. Fontaine : Vade-Mecum du vétérinaire, 1987, Ed. Vigot, Paris, 642 pages.
  • 5 - D. Grandjean et F. Etienne : Quelques bases en alimentation. In : TP de productions animales. Chaire de zootechnie et d’économie rurale, 1989, ENVA, pp. 101-109.
  • 6 - A. Hoden, J.-B. Coulon et P. Faverdin : « Alimentation des vaches laitières. » In : Alimentation des bovins, ovins et caprins, R. Jarrige, Inra, 1988, Paris, pp. 135-158.
  • 7 - M. Journet : « Optimisation des rations. » In : Alimentation des bovins, ovins et caprins, R. Jarrige, Inra, 1988, Paris, pp. 121-133.
  • 8 - H. Seegers, B. Grimard et I. Leroy : Abord global de l’élevage bovin laitier. département des productions animales, ENVN et ENVA, 119 pages.
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