La gestion des facteurs de risque est essentielle au contrôle de l'actinobacillose porcine - La Semaine Vétérinaire n° 1212 du 04/02/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1212 du 04/02/2006

Pathologie respiratoire porcine

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Toutes les méthodes dont l'objectif est l'éradication d'A. pleuropneumoniae des élevages porcins nécessitent des mesures de biosécurité d'un haut niveau, ainsi que la motivation et l'accompagnement des éleveurs.

Préoccupation mondialement partagée, la pleuropneumonie porcine due à Actinobacillus pleuropneumoniae (App) est à l'origine de pertes économiques considérables. Différentes stratégies d'éradication et de contrôle se sont révélées peu satisfaisantes (vaccination, antibiothérapie, dépopulation partielle, dépopulation/repopulation, etc.). La détection, le contrôle et l'éradication de cette bactérie étaient au programme d'une journée destinée à dresser « l'état du savoir sur l'actinobacillose porcine », organisée au Bono (Morbihan) par Vétoquinol Academia, le 5 octobre dernier. Elle a permis de découvrir les protocoles de suivi sérologique des troupeaux porcins au Canada et au Danemark vis-à-vis d'App.

Au Québec, trente animaux par élevage font l'objet de prélèvements sanguins deux fois par an, en vue de la recherche des sérotypes 1 et 5 (voir encadré ci-contre). En Ontario, la même recherche est effectuée chez vingt animaux par élevage, trois fois par an. Au Danemark, les prélèvements sanguins concernent chaque mois vingt animaux chez les sélectionneurs et les multiplicateurs. Vingt porcs font en outre l'objet d'un prélèvement annuel dans les élevages de production. Dans ce pays, les analyses concernent les sérotypes 2 et 6, qui représentent 90 % de ceux identifiés. Une fois par an, tous les autres sont recherchés par la technique de la fixation du complément.

En France, trente animaux entre 140 et 160 jours d'âge font l'objet de prélèvements une fois par an pour la recherche des sérogroupes 2 et 1-9-11 (voir encadré en page 45).

Les infections concomitantes sont des facteurs de l'expression clinique

La répartition géographique des sérotypes et l'expression virulente d'un sérotype donné varient selon les continents et les pays. Les sérovars 2, 9 et 11 dominent en France. Les sérovars 1, 5 et 7 sont ceux dont la prévalence est la plus importante au Canada et aux Etats-Unis. Le sérotype 3, pathogène au Royaume-Uni, l'est très peu dans les autres pays. « Lors d'achats à l'extérieur, il est fondamental de penser aux sérotypes du pays auquel appartient le troupeau exportateur », insiste Marcelo Gottschalk, directeur du groupe de recherche sur les maladies infectieuses du porc (Gremip) et professeur à la faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe (Québec). Par ailleurs, outre la virulence d'une souche, qui dépend de sa virulence intrinsèque, les conditions d'élevage, le statut immunitaire des animaux et les infections concomitantes (Mycoplasma pneumoniae, syndrome dysgénésique respiratoire porcin) sont déterminants. En témoigne la reproduction expérimentale d'une infection par App sérovar 9, réputé pathogène, menée par Marylène Kobisch, de l'unité “mycoplasmalogie-bactériologie” de l'Afssa de Ploufragan. Bien que la bactérie se soit multipliée chez les porcs EOPS(1) infectés et sentinelles, ils n'ont montré ni symptôme ni lésion caractéristique de l'infection à App sérovar 9. La scientifique a renouvelé l'expérimentation en infectant les porcs EOPS à six semaines avec Mycoplasma et à onze semaines avec App sérovar 9. Quarante-huit heures après, les porcs coinfectés par Mycoplasma et App ont développé des signes et des lésions de pleuropneumonie typique.

Hémorragies pulmonaires, nécrose et pleurésie fibrineuse caractérisent les lésions dues à App (voir photos 1 et 2). Selon les sérotypes, ces lésions sont plus ou moins développées.

La réussite d'une stratégie vaccinale dépend du strict respect des règles de biosécurité

Utilisée seule, la vaccination ne permet pas d'éradiquer App d'un élevage infecté. Le vaccin Porcilis ® porc, d'Intervet Santé animale, entraîne la diminution de l'impact de la maladie, sans empêcher la circulation de la bactérie. Du côté des autovaccins, leur capacité à limiter cette circulation est contrecarrée par le développement de la séropositivité des animaux et le problème de tolérance locale de l'administration.

Philippe Le Coz, vétérinaire chez Selvet Conseil (Ille-et-Vilaine), a présenté deux méthodes, l'une visant à produire des futurs reproducteurs indemnes d'App à partir d'un cheptel contaminé, l'autre à éradiquer App d'un élevage via une dépopulation partielle. Dans la première technique, la vaccination des truies est associée au sevrage précoce médicamenteux des porcelets. Les truies sont hyperimmunisées grâce à une primovaccination à chaque cycle, soit deux injections d'un autovaccin six et trois semaines avant la mise bas. Dans la deuxième méthode, la vaccination du cheptel reproducteur, des cochettes et des porcs sevrés est associée au repeuplement bande par bande et à une antibiothérapie, le tout sans vide de la maternité. La maîtrise de la contamination verticale (truie-porcelet) et horizontale (porcelet-charcutier) est essentielle. L'option dépopulation en période postsevrage/engraissement peut être adjointe à ce protocole, compte tenu du réservoir important d'App qu'elle représente. Les résultats obtenus par notre confrère sont contrastés, et en partie liés à la qualité du respect des règles de biosécurité.

Moins à 500 m entre les porcheries n'est pas en faveur d'une éradication d'App

Exportant 85 % de leur production, les Danois se sont fixé comme objectif de pouvoir qualifier les élevages porcins indemnes d'App. Le protocole utilisé est le suivant : absence de symptômes de pleuropneumonie, tests Elisa négatifs vis-à-vis d'App (sensibilité de 100 %, spécificité de 92,8 %), mise en place du suivi sérologique décrit précédemment et moins de 5 % de pleurésies enregistrées lors des contrôles à l'abattoir. Avant la mise en œuvre d'un programme d'éradication, le niveau de biosécurité de l'élevage et le risque de réintroduction d'App par voie aérienne sont évalués. D'après notre confrère Poul Bækbo, du National Committee for Pig Production, l'association d'une phase clinique aiguë d'actinobacillose dans un élevage avec un temps humide et froid, une direction de vent appropriée et une population de porcs sensibles constitue une situation à haut risque quant à la transmission interélevage d'App. « Une distance inférieure à 500 m entre porcheries n'est pas en faveur d'une éradication d'App », explique-t-il. Si l'expérience danoise montre la fiabilité de la dépopulation totale suivie de la repopulation, la dépopulation partielle, intéressante quant au maintien de la génétique de l'élevage, manque en revanche d'efficacité. Elle bénéficie d'un taux de réussite avoisinant 50 %. La persistance d'App au fond des cryptes des amygdales et la survie de la bactérie pendant plusieurs semaines dans l'environnement sont incriminées.

  • (1) Exempts d'organismes pathogènes spécifiques.

Biotype, sérotype, toxine Apx

La notion de biotype (ou biovar) fait référence aux propriétés biologiques d'Actinobacillus pleuropneumoniae (App) et à sa capacité à se développer, ou non, en l'absence de nicotinamide dinucléotide (NAD). Par convention, les souches incapables de se développer dans les milieux dépourvus de NAD appartiennent au biotype 1, les autres au biotype 2. La plupart des souches d'App appartiennent au 1 (voir tableau).

La notion de sérotype (ou sérovar) se réfère aux caractéristiques antigéniques d'App. Quatorze sérotypes sont connus pour le biotype 1. Selon Marcelo Gottschalk, la sérotypie est indispensable. « Elle aide à organiser l'action, via la prévision de la pathogénicité et l'épidémiologie de l'infection, l'aide à l'identification de l'origine de l'infection et la mise en place d'une vaccination. » Les activités hémolytiques et cytotoxiques d'App sont liées à trois protéines qui appartiennent à la famille des toxines RTX (repeats in the structural toxin) et présentent des spécificités antigéniques différentes : ApxI, ApxII et ApxIII.

C.-B. C.

Sérogroupes et groupes PCR

La sérologie (LPS-Elisa-Biovet, fixation du complément) ne permet pas de différencier tous les sérotypes individuellement. On parle alors de sérogroupes : S1-9-11, S2, S3-6-8-15, S4-7, S5, S10 et S12.

« L'Elisa App S2 et S1-9-11 est un test avertisseur intéressant à utiliser en surveillance, précise notre confrère Luc Mieli, du Laboratoire départemental d'analyses des Côtes-d'Armor (LDA 22). Elle ne permet pas d'attribuer un statut sanitaire à un individu, mais uniquement à un troupeau. » La sérologie a peu d'intérêt dans les cheptels de production.

Méthode avantageuse, la sérologie App sur colostrum de truie n'est possible que jusqu'à dix-huit heures après la mise bas.

Les techniques moléculaires et l'antibiogramme permettent de différencier deux souches appartenant à un même sérotype. Seule une variation de profil est interprétable.

La PCR Adiavet APP classe les App en quatre groupes :

- groupe I : souche de référence 1, 9, 11 et 12 ;

- groupe II : souche de référence 5 et 10 ;

- groupe III : souche de référence 2, 4, 7, 8 et 12 ;

- groupe IV : souche de référence 3, 4, 6, 7 et b2.

« La PCR est beaucoup plus sensible que la bactériologie lors des tests sur les amygdales », souligne notre confrère Hervé Morvan, du LDA 22.

C.-B. C.
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