La fatigue de compassion est un syndrome à identifier

Ils se repèrent de loin. Certains ont un aspect négligé, les traits tirés, les nerfs à fleur de peau, allant jusqu'à invectiver les propriétaires en salle d'attente dès qu'un comportement heurte leur éthique. Ce sont les défenseurs des animaux, des clients pas comme les autres qui requièrent une gestion particulière. Pour cela, il est utile de comprendre comment ils ont développé une telle attitude.

Les bénévoles peuvent être victimes d'une réaction traumatique secondaire

Les bénévoles en protection animale, régulièrement confrontés à la détresse, sont parfois soumis à une tension émotionnelle et physique importante. Ils sont constamment préoccupés par la souffrance des autres, qui les traumatise. Cela induit un état appelé “fatigue de compassion”. Elle se traduit par un sacrifice extrême, allant jusqu'à se négliger.

Cette fatigue s'exprime par des symptômes similaires à ceux du syndrome de stress post-traumatique. Elle est qualifiée de stress traumatique secondaire (la réaction primaire concerne un traumatisme qui nous est propre, la secondaire fait suite à celui subi par une tierce personne ou, dans ce cas, un animal). Elle ne doit pas être confondue avec la fatigue extrême, qui correspond à un manque de satisfaction associé à un excès de stress et un salaire insuffisant.

Sur le terrain, la fatigue de compassion aboutit à un turn-over important des bénévoles au sein des associations de protection animale. En effet, seuls ceux qui sont particulièrement résistants ou capables d'effectuer une démarche d'auto-surveillance, de prévention et d'atténuation de ce syndrome se maintiennent en place.

Le mal-être peut aller jusqu'au suicide lors de facteurs adjuvants

Le bénévolat requiert de l'empathie et de la compassion pour “voir le monde” à travers les yeux de l'animal. Il faut en outre faire preuve de motivation pour aider et agir.

Nervosité, impatience et légère dépression sont des signes qui indiquent que le bénévole commence à être submergé. Le manque de sommeil est un facteur adjuvant. Le bénévole ne quitte plus son refuge. Il ne parvient pas à se séparer psychologiquement de son action. Il s'ensuit le désintérêt pour sa propre personne. Les individus concernés doivent donc être sauvés d'eux-mêmes. Leur abnégation et leur compassion extrêmes en font des sujets à risque. Lorsqu'un stress primaire s'ajoute au stress secondaire, ils peuvent facilement plonger dans le syndrome de fatigue extrême, la dépression, les drogues, l'alcoolisme, le tabagisme, l'anorexie, voire le suicide.

• Source : J. Gould : « Compassion fatigue : an expert interview with Charles R. Figley », Medscape Psychiatry and Mental Health, 2005, vol. 8, n° 2 (Charles R. Figley est professeur à la Florida State University de Tallahassee).