L'Agence européenne du médicament veut conserver des quinolones durablement efficaces - La Semaine Vétérinaire n° 1212 du 04/02/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1212 du 04/02/2006

Antibiorésistance. Les quinolones sont indispensables aux vétérinaires

Actualité

Auteur(s) : Éric Vandaële

L'EMEA met en consultation publique la « réflexion » de ses experts sur les (fluoro)quinolones et leur usage vétérinaire.

Les experts européens du comité des médicaments vétérinaires soulignent en premier lieu que « la plupart des problèmes d'antibiorésistance en médecine humaine sont reliés à l'emploi des antibiotiques chez l'homme » et non à un usage chez les animaux. Les recommandations qu'ils proposent ont donc pour objectif de préserver l'efficacité des fluoroquinolones pour la médecine vétérinaire, indépendamment de tout impact hypothétique sur la santé humaine.

Pour cette fois, l'Agence européenne du médicament (EMEA) souligne bien davantage le réel risque sanitaire et économique de la perte d'efficacité de ces antibiotiques incontournables pour les productions animales. Elle considère les fluoroquinolones “vétérinaires” comme des traitements efficaces vis-à-vis des infections sévères dues à des germes Gram négatif, voire dans certains cas à des germes Gram positif aérobies. Les fluoroquinolones sont aussi mentionnées comme actives contre les infections à mycoplasmes ou celles dues à des bactéries atypiques : mycobactéries, Chlamydia, Ehrlichia, rickettsies, « même si la documentation clinique n'est pas toujours complète », indique l'agence. Dans plusieurs pays, les fluoroquinolones sont les seuls antibiotiques disponibles contre certaines infections sévères. « Les autres antibiotiques peuvent ne pas être aussi efficaces ou être également confrontés à l'émergence de résistances. »

La notion d'antibiorésistance minimale dans un schéma posologique efficace est récente

L'EMEA reconnaît que, par le passé, les schémas thérapeutiques validés pour les antibiotiques « n'ont pas toujours été approuvés dans le double objectif d'une efficacité maximale associée à un risque minimal de sélection des résistances » et donc à une efficacité « durable ». L'introduction de cette notion d'antibiorésistance minimale dans la fixation d'un schéma posologique efficace est en effet relativement récente. Pour limiter le développement de ces résistances, des protocoles ont été proposés avec des doses de fluoroquinolones plus élevées sur des périodes de traitements plus courtes. Dans le futur, les nouveaux protocoles thérapeutiques tiendront évidemment compte du risque d'antibiorésistance.

Pour l'Agence européenne du médicament, les fluoroquinolones vétérinaires devraient être réservées au traitement de seconde intention ou « lorsque l'échec des autres classes d'antibiotiques est prévisible ». Les traitements de prévention (en l'absence d'infection) ou de métaphylaxie (en milieu infecté) seraient à restreindre aux seuls médicaments qui mentionnent ces indications dans leurs notices d'emploi officielles.

L'agence recommande également une « formation continue accrue des vétérinaires à l'usage prudent des antibiotiques », une « surveillance des utilisations de fluoroquinolones et de l'émergence des résistances des bactéries pathogènes ou indicatrices ».

Plusieurs niveaux de résistance

La résistance aux fluoroquinolones la plus fréquente est liée à la mutation des gènes codant pour l'ADN gyrase, le site d'action des quinolones. Elle comprend deux niveaux successifs :

- un niveau faible (gyrA), avec « une résistance totale pour l'acide nalidixique et la fluméquine, mais une sensibilité seulement diminuée pour les fluoroquinolones » ;

- un niveau élevé (gyrB) avec une « résistance totale aux fluoroquinolones ».

Pour la surveillance de la résistance à bas niveau des fluoroquinolones (notamment chez les salmonelles), le document recommande d'utiliser l'acide nalidixique comme marqueur, ou des concentrations critiques (break points) plus faibles que celles généralement employées (4 μg/ml pour la ciprofloxacine).

L'Agence européenne signale aussi l'émergence d'une résistance plasmidique (qnr-gène) aux Etats-Unis, en Chine et aux Pays-Bas. Elle envisage son développement en productions animales.

E. V.
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