Une société peut-elle anticiper les difficultés économiques ? - La Semaine Vétérinaire n° 1211 du 28/01/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1211 du 28/01/2006

Droit du travail

Gestion

QUESTIONS/RÉPONSES

Auteur(s) : Sophie Czuwack

La Cour de cassation confirme la légalité d’un licenciement dans le cadre de la réorganisation d’une entreprise en vue de difficultés économiques.

La Cour de cassation vient de confirmer et de préciser, par deux arrêts du 11 janvier, sa position selon laquelle le licenciement économique qui intervient dans un contexte de réorganisation de l’entreprise est légal, à condition que celle-ci soit menée en prévision de difficultés économiques. Ces dernières peuvent provenir d’évolutions technologiques actuelles et avoir des conséquences sur le maintien des emplois, dans un futur relativement proche (un à deux ans).

1 LE FONDEMENT LÉGAL.

La Cour de cassation avait adopté cette jurisprudence dans l’arrêt Vidéocolor du 5 avril 1995, fondé sur l’article L. 321-1 du Code de travail. Celui-ci définit le licenciement pour motifs économiques comme « le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ».

2 L’ANTICIPATION DE DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES.

Dans son arrêt, la Cour de cassation allait au-delà des termes de l’article L. 321-1. Elle admettait qu’une réorganisation non liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, mais nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, constitue un licenciement économique. Elle introduisait donc un élément nouveau : la possibilité, pour l’entrepreneur, d’anticiper les difficultés économiques et non plus d’attendre qu’elles se réalisent pour s’engager dans une procédure de licenciement économique.

3 LA RÉORGANISATION DE L’ENTREPRISE.

Pour anticiper des conséquences sur le niveau des emplois et la compétitivité de l’entreprise, une réorganisation de cette dernière se révèle donc nécessaire. Or cela peut avoir des effets sur le contenu des contrats de travail : modification des horaires, changement du contenu des postes, etc. Si le salarié refuse ces modifications, il n’est pas considéré comme démissionnaire, mais doit être licencié. La mise en œuvre de la procédure de licenciement pour motifs économiques nécessite donc le refus des modifications. Le simple fait d’avoir procédé à des réorganisations au sein de l’entreprise ne suffit pas.

4 UNE JURISPRUDENCE MAINTES FOIS CONFIRMÉ.

Ultérieurement à l’arrêt Vidéocolor, la Cour de cassation a complété et explicité sa position de principe. Ainsi, elle admet notamment que l’intégration d’une société dans un autre groupe industriel et la volonté de supprimer des doublons (deux directeurs financiers, deux directeurs des ressources humaines, etc.) ne suffisent pas pour justifier un licenciement pour motifs économiques. De même, la Haute cour estime que procéder à une réorganisation de la société pour accroître les profits ne peut être invoqué pour rendre valable une procédure de licenciements économiques. En revanche, la réorganisation est légitime quand elle est indispensable pour la société qui risque d’être menacée sur son marché, notamment par la perte d’une partie de sa compétitivité.

5 LA LIBERTÉ DE CHOIX POUR L’EMPLOYEUR.

Le juge ne peut que constater que la réorganisation est destinée à sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Cela correspond au principe selon lequel le juge ne peut se substituer à l’employeur dans ses options de gestion. En effet, selon un arrêt du 8 mars 2000, « il [le juge] ne lui appartient pas de contrôler le choix effectué par l’employeur entre les solutions possibles ». Cet arrêt faisait suite au cas d’un chef d’entreprise qui, après la fusion de deux sociétés, pouvait soit licencier 86 salariés par des réductions d’effectifs, soit 213 employés via la spécialisation de l’une des deux unités de production, soit 318 personnes en fermant l’un des sites. Il avait choisi la troisième option, une décision validée par la Haute juridiction, puisque l’objectif était bien de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.

6 PRÉVENIR LES CONSÉQUENCES SUR LE NIVEAU DES EMPLOIS.

Les deux arrêts de la Cour de cassation du 11 janvier reprennent donc une jurisprudence déjà établie. Leur principal apport consiste à préciser la notion de sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. La cour rappelle d’abord que l’employeur peut invoquer l’exigence de cette sauvegarde avant même que la société ne connaisse de réelles difficultés économiques. Ensuite, il appartient au chef d’entreprise de démontrer en quoi il appréhendait des difficultés pour justifier la nécessité de mesures de prévention via la réorganisation de la société. L’invocation de bouleversements futurs liés à des mutations technologiques est donc validée par ces arrêts. Enfin, l’anticipation des difficultés économiques doit nécessairement avoir pour seul objectif de prévenir des conséquences néfastes sur le niveau des emplois. Cela écarte la possibilité de modifier les contrats de travail pour éviter une perte de profit ou pour faire face à une diminution du chiffre d’affaires ou des bénéfices.

Deux questions

• » Je bénéficie d’un contrat de travail à durée déterminée. Suis-je concerné par ce type de licenciement économique ? »

Le licenciement économique, quel qu’il soit, ne peut concerner que les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée.

• » Puis-je invoquer des difficultés financières à venir pour licencier un salarié dont je souhaite me séparer pour des motifs d’ordre personnel ? »

Un licenciement économique ne peut en aucun cas être mis en œuvre pour procéder au renvoi d’un salarié pour des motifs inhérents à sa personne. Si tel est le cas, le licenciement sera annulé pour absence de cause réelle et sérieuse. En revanche, les deux motifs, personnel et économique, peuvent être invoqués. Le licenciement sera pourvu d’une cause réelle et sérieuse si le motif principal est d’ordre économique.

S. C.

MODIFICATION DU CONTRAT

Un point clé du contrat. La modification du contrat de travail est l’un des principaux éléments qui donnent au licenciement son caractère économique. Elle est prise en considération lorsqu’elle porte sur un point essentiel du contrat de travail.

Quatre éléments essentiels dans la relation de travail. La modification du contrat de travail diffère du simple changement des conditions de travail. Elle peut être évoquée lorsque l’élément remis en question est l’une des clauses essentielles qui fixe le cadre de la relation de travail entre le salarié et son employeur. La jurisprudence dégage quatre éléments essentiels dans cette relation : la rémunération, le lieu de travail, la durée du travail et les attributions du salarié.

Lettre recommandée avec accusé de réception. En pratique, lorsqu’une modification du contrat de travail a pour objectif de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, l’employeur doit la soumettre au salarié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception. Celui-ci dispose alors d’un délai d’un mois pour faire part de son refus. S’il ne s’exprime pas dans ce laps de temps, la modification du contrat est considérée comme acceptée. Si le salarié refuse la proposition, la procédure de licenciement pour motifs économiques doit alors être mise en œuvre.

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