Les médias n’ont pas à nous dicter notre avenir

La journaliste Elise Lucet entame la présentation d’un sujet⁽¹⁾ : « Chacun connaît le manque actuel de médecins en France. Certains étudiants français vont d’ailleurs suivre leurs études à l’étranger en faculté de médecine, pharmacie ou vétérinaire. » Suivent les images. Elles sont tournées à Liège. Quelques étudiants, en majorité français, et un responsable de l’établissement sont interrogés. Ils soulignent la surreprésentation française en insistant sur le taux de diplômés d’origine hexagonale, supérieur à 80 % en 2005. Pour l’un d’eux, « la France manque aujourd’hui de vétérinaires. Cela sera encore pire dans quelques années. Il suffit de voir le nombre de praticiens belges qui s’y installent ». Selon un autre, « la sélection [en France] est trop dure ». Le reportage se termine, mais une question demeure : que souhaitait celui qui l’a réalisé ?

Le journaliste a utilisé un moyen aujourd’hui classique, que j’appelle « l’amalgame ». Dans les médias, il consiste à associer plusieurs événements sans liens réels, dont le rapprochement conduit les téléspectateurs à certaines conclusions. Ainsi, pour le public, les messages de ce reportage pourraient se résumer ainsi : la France manque de vétérinaires, les études y sont trop sélectives, la formation proposée en Belgique séduit de nombreux Français.

Je m’interroge. Qui a instrumentalisé ce sujet ? Nous ne sommes ni dans une période d’inscription universitaire, ni dans celle de l’entrée dans les grandes écoles. Ces images n’ont donc pas été générées par la contestation. Il y a quelques mois, la Commission européenne enjoignait à certains pays, dont la France, de revoir leur copie pour un certain nombre de métiers réglementés, dans le but d’une plus grande libéralisation. Bizarre. Ce reportage est-il « l’éclaireur » de la grande cavalerie médiatique pour manipuler l’opinion et nous obliger à accepter contre notre gré et avec force les réformes exigées par la Commission ?

La forme et le sens de ce sujet m’inquiètent. Les réformes que notre profession connaîtra à l’avenir ne peuvent se faire qu’en concertation avec les intéressés et non sous la pression des médias.

• (1) Reportage diffusé le 10/12/2005 sur France 2, lors du journal de la mi-journée.