Les praticiens résistent mal aux exigences de leurs clients - La Semaine Vétérinaire n° 1207 du 24/12/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1207 du 24/12/2005

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Auteur(s) : Valérie Zanini

L’attitude des clients a changé, c’est un fait. Ils ont perdu leur déférence à l’égard du praticien qu’ils considèrent à présent comme un « professionnel de santé ». En tant que consommateur de soins, ils instaurent un rapport de force qui est plutôt en leur faveur. Les confrères le déplorent.

Docteur, il faut que je passe vous voir, mais le seul créneau dont je dispose est 10 h 30 ce matin. Je serai certainement mal garée, alors il faudra que vous me receviez tout de suite. L’idéal serait également que vous fassiez vite, car j’ai un rendez-vous professionnel à 11 h. Je compte sur vous. » Cela n’est pas une fiction. Ce type d’appel est de plus en plus fréquent. « C’est même mon lot quotidien », constate Franck Lefay, praticien à Cannes (Alpes-Maritimes). Mais un tel comportement ne se limite pas aux villes touristiques ou aux grandes métropoles. Il se généralise à l’ensemble des clientèles.

Les praticiens sont confrontés à un problème de société

Jusque-là épargnés, les confrères qui sont en contact avec le public pâtissent désormais des nouvelles habitudes des consommateurs. Car ces derniers ne font plus de différence entre un vétérinaire et un autre prestataire de services. De fait, leurs attentes peuvent surprendre (livraison à domicile sept jours sur sept, demande de remboursement, tarifs négociables, etc.). Elles s’inscrivent pourtant dans un contexte général de client-roi auquel la société a donné les pleins pouvoirs, puisqu’il est le principal moteur de la croissance. Et comme la tendance privilégie le profit immédiat, il est essentiel que tout soit fait pour aider les citoyens à consommer. Plusieurs enseignes proposent déjà le remboursement des achats sans condition ou un dédommagement en cas de produit identique trouvé moins cher ailleurs. Les consommateurs estiment donc naturellement que tous les professionnels peuvent faire de même. Les problèmes surviennent généralement en cas de refus car, d’une manière générale, la tolérance à la frustration a baissé. « Elle peut être comparée à celle d’un enfant de moins de sept ans », selon Thierry Jourdan, président honoraire de l’association Vétos-Entraide.

L’impatience est la principale caractéristique des clients modernes

Le client attend le meilleur service, au meilleur prix et surtout sans délai. Dans ces conditions, il est difficile de faire comprendre aux propriétaires que le rendez-vous vaccinal qu’ils réclament ne peut être fixé que trois jours plus tard pour cause de planning chargé. « Si c’est comme ça, je vais voir ailleurs », rétorquent certains d’entre eux. Or de nombreux confrères refusent le risque de perdre un client. La pression concurrentielle exercée par les praticiens voisins ou encore les difficultés économiques qu’ils rencontrent les conduisent à modifier l’organisation de leur travail afin de recevoir malgré tout ce propriétaire pressé.

A ce jeu, le client est gagnant et le praticien perdant. En effet, c’est lui qui doit faire l’effort de gérer l’imprévu. Les propriétaires d’animaux domestiques et les éleveurs s’en moquent, du moment qu’ils obtiennent satisfaction. D’ailleurs, ils savent parfaitement jouer sur la corde sensible des professionnels de santé et n’hésitent pas à les culpabiliser si nécessaire : « Docteur, vous me mettez dans l’embarras. Vous ne pouvez pas laisser Kiki souffrir ainsi plus longtemps. Il faut que vous l’examiniez aujourd’hui, sinon il va hurler de douleur toute la nuit. » Comment résister à ce type d’argument sans passer pour un “monstre” ?

La ponctualité et le respect sont des valeurs qui disparaissent

« Pour moi, le cas le plus pénible est celui des propriétaires qui, sans raison apparente, n’honorent pas leur rendez-vous, estime Vincent Coupry, praticien à Longjumeau (Essonne). Ils ne se rendent pas compte qu’ils nous mobilisent inutilement. C’est une perte de temps qui pénalise également la gestion de notre planning, car il est difficile d’entamer une action en sachant que le client peut arriver malgré tout et à tout moment. Cette pression est pesante, d’autant que ces personnes ne prennent pas la peine de prévenir ni de s’excuser. Elles ne fournissent aucune explication. Je considère cela comme un manque de respect à notre égard. »

La considération exprimée naguère par le propriétaire ou l’éleveur à l’égard du vétérinaire notable est reléguée au rang de souvenir. Désormais, la relation s’établit d’égal à égal (dans le meilleur des cas) ou à travers un rapport de force que les clients tournent à leur avantage. Cette situation est dommageable, car « sans un climat serein, il est impossible de garantir la qualité des services rendus au public par les vétérinaires », explique Michel Baussier, secrétaire général du Conseil supérieur de l’Ordre.

Certains confrères parviennent à cadrer leur clientèle, d’autres y renoncent

« Cela a pris du temps, mais j’ai réussi à “éduquer” mes clients, souligne Fabrice Berdugo, praticien à Paris. Je refuse tout ce qui s’apparente à un caprice. D’autant que ce type d’exigence remet en cause la qualité des soins que nous apportons aux animaux qui nous sont confiés. Mes limites sont claires. Je les calque sur ce que je peux décemment demander à mon médecin ou à mon pédiatre. » Ce confrère a pris la succession de son père, également praticien, et il exerce dans les mêmes locaux. Il bénéficie donc d’une renommée construite de longue date, ce qui facilite peut-être les choses. Bon nombre de vétérinaires éprouvent en effet des difficultés à inverser une tendance qui, de surcroît, se révèle générale.

Thierry Jourdan le confirme : « Il me paraît impossible que les praticiens puissent, à eux seuls, changer la société. Mais ils peuvent agir sur eux-mêmes et se préserver des effets néfastes d’un stress excessif. » Les exigences croissantes des clients, leurs caprices et leur comportement tyrannique finissent par épuiser les ressources psychiques de ceux dont le rôle est pourtant de prodiguer des soins. Cette pression pesante, omniprésente, accentue les difficultés quotidiennes de la pratique. Et l’obligation de moyens dévie parfois jusqu’à l’obligation tacite de résultat, tant l’attente exprimée par les propriétaires est forte. Selon Michel Baussier, les représentants de l’Ordre sont conscients de cette situation, d’autant que la plupart d’entre eux, praticiens également, y sont confrontés.

La relation entre le vétérinaire et le client est à rééquilibrer

Qu’il s’agisse d’un propriétaire d’animal de compagnie ou d’un éleveur, il paraît essentiel que la relation instaurée avec un praticien soit fondée sur la confiance. Il en va de la qualité des soins qui sont prodigués. En effet, un vétérinaire ne peut librement choisir la meilleure approche thérapeutique par rapport au cas présenté s’il est par ailleurs soumis à diverses pressions.

Selon les instances ordinales, il convient également de pondérer les droits accordés aux clients. Ainsi, il est abusif que tout un chacun puisse porter plainte contre un confrère sans craindre de frais financiers ou de punition en cas de procédure infondée. L’une des solutions proposées par l’Ordre est de faire évoluer la réglementation afin de restaurer une meilleure équité au bénéfice du vétérinaire. Et Michel Baussier de préciser : « Plus généralement, nous voulons que les confrères se sentent soutenus par les instances ordinales dans les situations difficiles qu’ils sont parfois amenés à gérer. »

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