Un vaccin canin anti-Leishmania est à l’étude en France - La Semaine Vétérinaire n° 1205 du 10/12/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1205 du 10/12/2005

Actualités sur les leishmanioses humaines et animales

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Jacques Lamothe

Le congrès mondial Worldleish réunit médecins et vétérinaires autour des leishmanioses pour partager leurs avancées respectives.

Tous les quatre ans se tient le congrès mondial Worldleish, qui rassemble des cliniciens, des immunologistes, des épidémiologistes et des vétérinaires pour faire le point sur les leishmanioses. Sa troisième édition s’est déroulée du 10 au 15 avril dernier en Sicile (Italie). Elle a permis d’aborder les formes viscérales humaine et canine à Leishmania infantum, mais aussi l’affection à Leishmania donovani principalement présente en Inde, les formes cutanées de Leishmania tropica ou les atteintes graves et mutilantes rencontrées en Amérique du Sud et dues à Leishmania amazonensis.

Deux vaccins contre la leishmaniose sont en cours de validation

En matière de prophylaxie, deux vaccins canins sont quasiment prêts à être lancés sur le marché européen.

Le premier contient un antigène glyco-protéique (fucose-manose ligant, ou FML), présent en surface des promastigotes et des amastigotes de L. donovani. Développé par Fort Dodge, il est déjà commercialisé au Brésil (Leishmune®) où le laboratoire a présenté les résultats de son étude de terrain menée pendant un an.

Sur 526 chiens vaccinés, 8 (soit 1,5 %) ont développé une leishmaniose. Dans un groupe témoin d’animaux vivant dans les mêmes conditions, 10 % sont malades et 23 % meurent de leishmaniose à la fin de l’essai. Cela représente une incidence annuelle de 33 %, c’est-à-dire des conditions particulièrement sévères. Les effets secondaires observés à la suite de la vaccination sont principalement des réactions locales (douleur), dans un tiers des cas.

La critique principale formulée lors de ce congrès vis-à-vis de cette étude est qu’elle n’est pas réalisée en double aveugle : les deux populations (chiens vaccinés et groupe témoin) sont distinctes.

L’autre candidat vaccin, en cours d’essai en France, est développé par Bio Véto Test (BVT) en collaboration avec l’Institut de recherche et de développement (IRD). L’antigène présent dans cette préparation est une protéine isolée à partir d’une culture du parasite en milieu synthétique. Gérard Papierok, le directeur du laboratoire, a présenté les résultats de l’étude de terrain effectuée entre 2000 et 2003 chez une quinzaine de vétérinaires établis dans le sud de la France.

Sur 771 chiens vaccinés en début d’étude, 357 sont rejetés pour diverses raisons. Parmi les 414 retenus, 209 reçoivent le vaccin et 205 le placebo, à raison de deux injections à un mois d’intervalle et d’un rappel annuel. Au cours de l’essai proprement dit, 74 animaux sont encore éliminés pour différents motifs. Au final, aucun des 165 chiens vaccinés ne déclare la leishmaniose, au contrairement à 9 des 175 autres du groupe placebo. Le taux de protection est donc de 100 % pour les deux premières années de l’essai. En outre, parmi les animaux éliminés du protocole après la vaccination, aucun ne développe l’affection.

Néanmoins, quelques critiques ont été formulées par plusieurs intervenants lors du congrès à l’encontre de cette étude. La première concerne le faible nombre de chiens contaminés pendant l’essai dans le groupe placebo. Celui-ci correspond à une incidence annuelle (nombre de nouveaux cas apparus au cours d’une année) de 2,5 %, soit un taux plus bas que celui rencontré dans les foyers actifs en zone d’endémie, où il est au minimum de 5 %, voire supérieur. Il aurait donc été logique d’obtenir entre 20 et 40 chiens malades sur les 175 du groupe témoin. Soit le risque a baissé ces deux années-là, ce qui pose un problème pour l’interprétation de l’essai vaccinal, soit des traitements antiparasitaires, appliqués sans l’accord des expérimentateurs, ont interféré avec l’effet vaccinal.

Des interactions existent entre les recherches humaines et vétérinaires

L’intérêt des congrès multidisciplinaires réside dans le partage des avancées scientifiques obtenues. Le traitement des leishmanioses à L. donovani en Inde, où la miltéfosine (par voie orale) a été mise au point, en est un exemple frappant. Néanmoins, employée à la dose de 2,5 mg/kg pendant vingt et un jours, des résistances apparaissent (10 % dans certains essais), dues à sa demi-vie longue. Ces données seront à prendre en compte lors d’une utilisation chez le chien.

Une étude franco-espagnole, présentée par Guadalupe Miro, de la faculté vétérinaire de Madrid, montre qu’à la posologie de 2 mg/kg/j, cette molécule donne des résultats comparables à ceux obtenus avec l’antimoniate de méglumine (Glucantime®). Cet antibiotique injectable à base d’aminosidine (ou paromomycine), également développé en Inde, avait fait l’objet d’études en Italie chez le chien à la dose de 3,5 mg/kg deux fois par jour pendant vingt et un jours. Il se révèle efficace également chez l’homme à raison de 10 mg/kg/j pendant trois semaines.

L’association spiromycine et métronidazole présente un intérêt thérapeutique

Aucune grande nouveauté dans le traitement de la leishmaniose chez le chien n’a vu le jour depuis le récent travail de Maria Grazia Pennisi. Dans un article, publié dans le Veterinary Record, elle montre que l’administration de spiromycine et de métronidazole (au double de la dose prescrite pour les infections buccales, soit un comprimé de Stomorgyl®pour 5 kg de poids vif et non 10 kg par exemple) pendant trois mois est aussi efficace que l’association d’antimoniate de méglumine (Glucantime®, 55 à 100 mg/kg, deux fois par jour) et d’allopurinol (20 mg/kg deux fois par jour), qui est le traitement le plus utilisé aujourd’hui. Les résultats sont équivalents, avec une amélioration plus rapide pour le traitement classique. Ainsi, les chiens traités avec l’association spiromycine/métronidazole sont cliniquement guéris en moyenne à l’issue de quarante-cinq jours, tandis que le groupe méglumine/allopurinol l’est en moyenne après trente jours.

L’association spiromycine/métronidazole peut donc être considérée comme une alternative satisfaisante au traitement habituel, à condition d’être administrée pendant trois mois. A la fin de cette période, un relais avec l’allopurinol par voie orale doit être instauré, sous réserve de rechutes, car les chiens des deux groupes sont toujours porteurs de parasites.

La PCR permet le diagnostic précoce de la leishmaniose canine

Une étude, présentée par Luigi Gradoni (Istituto superiore della sanita, à Rome), a porté sur une cohorte de 43 chiens dans un chenil de la région de Naples. Ces animaux, infectés naturellement, ont été suivis pendant deux ans, tout au long de leur contamination, jusqu’au développement de la maladie, sans protection par des insecticides. La première année, 39 % des chiens sont contaminés, puis jusqu’à 94 % à la fin de la deuxième, et 16 % sont malades (7 chiens). Les auteurs notent que durant toute l’étude, la méthode qui se positive en premier est celle de la PCR (polymerase chain reaction) sur moelle osseuse, puis celle de la culture de moelle osseuse (examen presque jamais utilisé en routine) un trimestre plus tard en moyenne, et enfin la sérologie deux mois après. Ainsi, les chiens contaminés connaissent successivement un stade subpatent (PCR sur moelle osseuse positive et sérologie négative), puis une phase asymptomatique patente (PCR et sérologie positives, mais absence de symptômes) et enfin une étape symptomatique (PCR et sérologie positives et présence de symptômes).

Ce travail essentiel confirme le grand intérêt de la PCR dans la détection précoce de la leishmaniose chez les chiens. Selon l’auteur, la forte contamination des animaux les premières années conduit à un état d’immuno-dépression et aboutit au développement de la maladie les années suivantes.

Par ailleurs, Gioia Capelli a présenté les résultats d’une enquête effectuée dans le nord de l’Italie et qui montre, depuis les années 1990, l’apparition de nouveaux foyers dans des zones où l’affection était jusqu’alors absente. Ces cas sont associés à l’isolement de phlébotomes vecteurs de la maladie, là où ils n’avaient jamais été identifiés. L’explication la plus probable de ce phénomène est le réchauffement climatique, comme le montrent des relevés météorologiques des zones concernées.

BIBLIOGRAPHIE

  • • M.G. Pennisi et coll. : « Efficacy of the treatment of dogs with leishmaniosis with a combination of metronidazole and spiramycin », Veterinary Record, 2005, n° 156, pp. 346-349.
  • • G.P. Borja-Cabrera et coll. : « Long lasting protection against canine kala-azar using the FML-QuilA saponin vaccine in an endemic area of Brazil (Sao Goncalo do Amarante, RN) », Vaccine, 2002, n° 20, pp. 3277-3284.
  • • L. Gradoni : « An update on antileishmanial vaccine candidates and prospects for a canine Leishmania vaccine », Vet. Parasitol., 12/9/2001, vol. 100, n° 1-2, pp. 87-103.
  • • F.S. Nogueira et coll. : « Leishmune® vaccine blocks the transmission of canine visceral leishmaniasis : absence of Leishmania parasites in blood, skin and lymph nodes of vaccinated exposed dogs », Vaccine, 2005 (sous presse).
  • • J. L. Lemesre et coll. : « Protection against experimental visceral leishmaniasis infection in dogs immunized with purified excreted secreted antigens of Leishmania infantum promastigotes », Vaccine, 2005, n° 22, pp. 2825-2840.
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