Leporacarus gibbus provoque des signes cutanés variables - La Semaine Vétérinaire n° 1204 du 03/12/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1204 du 03/12/2005

Infestations par un acarien chez les lapins

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Philippe Bertrand

Fonctions : praticien canin, titulaire d’un CES de dermatologie, clinique vétérinaire Brasseur (Manage, Belgique)

Deux cas cliniques démontrent l’absence de corrélation entre le taux d’infestation par l’acarien (fréquent chez le lapin) et l’intensité du prurit observé.

Une lapine âgée de quatre ans et un lapin mâle de deux ans sont présentés en consultation. La femelle montre des lésions alopéciques, initialement localisées, qui s’étendent depuis quinze jours. Le propriétaire n’a pas constaté de prurit. Chez le mâle, des lésions alopéciques dorsales sont observées depuis quatre jours, ainsi qu’un prurit intense consécutif.

Aucune contamination humaine ou animale n’est rapportée

La lapine a été achetée dans une animalerie à l’âge de deux mois. Elle est correctement vermifugée et nourrie avec un mélange de granulés et de foin de bonne qualité. Elle vit seule, en cage (litière à base de foin), et sort de temps en temps sur la pelouse, sous une cage. Une désinfection au Dettol® (chloroxylenol à 4,8 %) est réalisée une fois par semaine. Le propriétaire possède un chat. Aucun traitement antiparasitaire n’est effectué.

En revanche, le mâle a été acheté chez un particulier à l’âge d’un an. Il est n’est ni vacciné, ni vermifugé. Il est nourri avec des granulés et du foin de bonne qualité, et reçoit des fruits de temps en temps. Il vit seul dans une cage. Sa litière est à base de copeaux de bois. Le propriétaire effectue une désinfection avec de l’eau de Javel une fois par semaine. Il ne possède aucun autre animal. Le lapin sort de temps en temps sur la pelouse, mais il reste en cage. Dans les deux cas, aucune contamination humaine ou animale n’est rapportée.

Une alopécie est associée à des croûtes et à des excoriations

L’examen général ne révèle aucune anomalie. Les deux lapins apparaissent en bonne forme. L’examen dermatologique de la lapine met en évidence trois zones d’alopécie à la base du dos, associées à un état kératoséborrhéique (squames pytiriasiformes sur la ligne dorsolombaire). Pour sa part, le lapin mâle présente une alopécie extensive sur le dos, à la base de la queue et à l’arrière de l’épaule gauche (voir photo 1). Des lésions croûteuses et de l’excoriation sont également notées au niveau de l’épaule et à la base de la queue (voir photos 2 et 3). Les types de lésions observées et leur apparition conduisent à quatre hypothèses diagnostiques : dermatite à Leporacarus (Listrophorus) gibbus, dermatite à Cheyletiella (plutôt à l’origine de prurit au niveau du cou), dermatophytose (malgré l’absence de contagion humaine) et pulicose (malgré l’absence de prurit dorsolombaire).

Plusieurs examens complémentaires sont entrepris

La loupe permet d’observer la présence d’un grand nombre d’œufs collés aux poils. Des tests à la cellophane adhésive (scotch test) permettent de prélever et relever la présence de l’acarien Leporacarus gibbus, également à la base des poils (voir photos 4 et 5). Des raclages cutanés mettent en évidence les mêmes œufs et les mêmes parasites. Les recherches mycologiques (lampe de Wood et trichogramme) se révèlent négatives. Une culture fongique est effectuée sur un milieu de Sabouraud. Elle est toujours négative au bout de trois semaines.

Le diagnostic d’infestation par Leporacarus gibbus étant posé, un traitement est instauré. Il consiste en une injection d’ivermectine sous-cutanée (0,4 mg/kg) associée à une désinfection journalière de la cage avec un insecticide anti-acariens.

Les animaux sont revus quinze jours après la première injection (voir photo 6). Chez la lapine, les tests à la cellophane adhésive et les raclages révèlent la présence de parasites en nombre plus réduit. Trois injections d’ivermectine à quinze jours d’intervalle permettent une disparition complète des parasites. En revanche, chez le mâle, ces tests se révèlent négatifs au bout de quinze jours. Une deuxième injection sous-cutanée d’ivermectine (0,4 mg/kg) est toutefois réalisée. Une repousse des poils est par ailleurs constatée dans les deux cas.

La totalité du cycle de Leporacarus gibbus se déroule sur l’animal

Le Leporacarus gibbus (anciennement Listrophorus) est un acarien pilicole particulièrement fréquent chez les lapins, plus rare chez les chats et les chiens. Il appartient à la famille des Listrophoridés et mesure de 450 à 500 µm.

Le mâle et la femelle possèdent tous deux un rostre, avec des chélicères contenant de puissants crochets terminaux adaptés à la fixation sur poils. Cet acarien présente en outre un dimorphisme sexuel : la femelle est plus large et ovale, avec un motif “d’empreinte de pouce” sur le corps. Ce dernier est latéralement comprimé. Le mâle est légèrement plus petit et possède une extrémité postérieure avec un prolongement bifide caractéristique.

L’ensemble du cycle du parasite se déroule sur l’animal. Lors de la sortie de la larve, l’œuf se rompt selon une ligne médiane, d’où l’impression d’une structure à deux ailes. Quelques cuticules peuvent persister après la mue et donner un aspect caractéristique “poivre et sel” au pelage.

Des raclages et/ou des scotch tests sont nécessaires pour confirmer le diagnostic

Les signes cliniques varient, d’une forme asymptomatique lors d’infestation légère ou débutante jusqu’à des lésions de squamosis, d’érythème et de dépilations associées à des croûtes sur la ligne dorsolombaire en cas d’infestation massive. Le prurit est également variable. Des réactions d’hypersensibilité au parasite sont rapportées (Patel et Robinson, 1993).

La multiplication des parasites sur un animal porteur peut être associée au réchauffement (printemps ou température ambiante intérieure), à la présence d’autres affections ou à une immunodépression du porteur.

L’observation à l’œil nu ne permet pas toujours de confirmer la présence des parasites et/ou des œufs. Des raclages cutanés et/ou des tests à la cellophane adhésive sont donc nécessaires pour confirmer le diagnostic. Il est également possible d’utiliser une loupe.

Le traitement fait appel à l’ivermectine à 0,1 %, utilisée per os ou par voie sous-cutanée à la dose de 0,3 à 0,4 mg/kg, deux à trois fois à quinze jours d’intervalle. La sélamectine est également efficace. Le traitement de l’environnement est également important (acide borique, etc.). Il est alors nécessaire de mettre le lapin dans une autre pièce de la maison pour éviter tout contact avec le produit.

Le taux d’infestation et l’intensité du prurit ne sont pas corrélés

Les deux cas rapportés démontrent la symptomatologie variable de l’infestation à Leporacarus gibbus chez le lapin et l’absence de corrélation entre le taux d’infestation et le prurit.

Dans le premier cas, l’absence de prurit signalée par le propriétaire n’est pas confirmée par l’examen dermatologique, qui met en évidence un grand nombre de parasites et d’œufs, ainsi que des lésions cutanées (squamosis, alopécie) secondaires au grattage et au léchage. L’infestation massive de l’animal n’a donc pas entraîné de prurit intense. Dans le second cas au contraire, le prurit intense (corroboré par les lésions cutanées) signalé par le propriétaire ne concorde pas avec la faible infestation démontrée par les examens microscopiques. Cette réaction exacerbée au parasite peut éventuellement être liée à une hypersensibilité.

Bibliographie

  • • L. Pinter : « Leporacarus gibbus and Spilopsyllus cuniculi infestation in a pet rabbit », J. Small Anim. Pract., 1999, vol. 40, n° 5, pp. 220-221.
  • • A.P. Kirwan, B. Middelton, J.W. Mc Garry : « Diagnosis and prevalence of Leporacarus gibbus in the fur of domestic rabbits in the UK », Vet. Rec., 1998, vol. 142, n° 1, pp. 20-21.
  • • Frances Harcourt-Brown : « Parasites skin disease », Textbook of rabbit medicine, 2004, n° 243, p. 363.
  • • A. Patel, K.J.E. Robinson : « Dermatosis associated with Listrophorus gibbus in the rabbit », J. Small Anim. Pract., 1993, n° 34, pp. 409 - 411.
  • • W. J. Foreyt : « Parasites of laboratory animals », Veterinary parasitology, reference manual, 5e edition, p. 273.
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