Un certain nombre d’idées fausses sont associées au SDTE - La Semaine Vétérinaire n° 1202 du 19/11/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1202 du 19/11/2005

Syndrome dilatation-torsion de l’estomac (SDTE)

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Cyrill Poncet

Fonctions : praticien au service de chirurgie
de la clinique Frégis (Arcueil,
Val-de-Marne).
D’après une conférence présentée lors de la soirée “cas cliniques Frégis” organisée le 11 octobre 2005 à Montrouge (Hauts-de-Seine), réunissant une centaine de vétérinaires pour des discussions interactives sur les pièges de l’examen clinique.

« La torsion précède la dilatation », « une radiographie est indispensable », « la gastropexie est facultative » sont quelques exemples d’idées reçues sur ce syndrome.

De nombreuses idées reçues, erronées, circulent autour du syndrome dilatation-torsion de l’estomac (SDTE) chez le chien. Voici une mise au point sur les principaux aspects qui accompagnent ce syndrome.

1 UN SONDAGE IMPOSSIBLE SIGNIFIE QUE L’ESTOMAC EST TORDU.

Faux. La facilité du sondage ne préjuge en aucun cas du fait qu’il est uniquement dilaté ou tordu. Le sondage oro-gastrique peut être réalisé sans difficulté dans plus de 95 % des cas (voir photo 1). Il est faux de penser qu’une torsion le rend impossible. En outre, il s’agit de l’acte à réaliser en premier, avant la pose d’un cathéter ou la prise de clichés radiographiques.

Certains gestes permettent de faciliter le sondage. Une sonde de gros diamètre et abondamment lubrifiée est utilisée, afin de faciliter la pression et le passage au niveau du cardia. A ce moment, le manipulateur peut souffler dans la sonde en même temps qu’il exerce une pression ou lui appliquer une rotation horaire. Si le sondage est infructueux, la position de l’animal peut être changée (décubitus sternal ou latéral, inclinaison dans un sens vertical). Une gastrocentèse peut également être envisagée, pour diminuer la pression intragastrique. Si le sondage oro-gastrique se révèle vraiment difficile, un sondage nasogastrique représente une alternative, en permettant la vidange de l’air et du liquide.

2 LA GASTROPEXIE NE PRÉVIENT PAS LA DILATATION D’ESTOMAC.

Faux. La gastropexie prévient significativement tout nouvel épisode de dilatation-torsion ou de dilatation seule. Le taux de récidive après un premier épisode de dilatation ou de dilatation-torsion d’estomac est de 85 % dans les mois qui suivent, alors qu’il n’est que de 5 % si une gastropexie a été réalisée. De la même façon, une étude rétrospective met en évidence une mortalité de 71 % à un an après un épisode de SDTE sans gastropexie, alors qu’elle n’est que de 19 % si une gastropexie a été réalisée au moment du SDTE. Selon ces chiffres, la gastropexie paraît indispensable dès le premier épisode de dilatation d’estomac, qu’il soit associé ou non à une torsion.

3 UN SDTE DOIT ÊTRE OPÉRÉ LE PLUS RAPIDEMENT POSSIBLE.

Faux. Le SDTE est avant tout une urgence médicale, mais il n’existe actuellement aucun consensus sur le sujet. Aucune différence significative n’apparaît entre une prise en charge chirurgicale immédiate ou différée. Le plus important est de décomprimer efficacement l’estomac et de stabiliser l’animal par la réanimation médicale avant toute intervention chirurgicale, qui peut n’intervenir que quelques heures, voire plusieurs jours après. Dans la pratique, la décision d’une opération immédiate ou différée doit se faire selon la réponse de l’animal à la réanimation instaurée et la disponibilité de l’équipe chirurgicale.

4 LA TECHNIQUE DE GASTROPEXIE INFLUENCE LE DEVENIR DE L’ANIMAL.

Faux. De nombreuses techniques de gastropexie sont décrites : incisionnelle, en boucle de ceinture, sur la ligne blanche, sur sonde, circumcostale, sous laparoscopie, etc. Ces méthodes ont montré leur efficacité à créer une adhésion permanente entre l’antre pylorique et la paroi abdominale droite et aucune ne semble influencer la mortalité péri-opératoire ou le taux de récidive. Le choix d’une technique plutôt qu’une autre reste à la préférence du chirurgien. Les gastropexies incisionnelles (voir photo 2) présentent l’avantage d’une simplicité et d’une rapidité de réalisation, ainsi que d’un faible taux de complication associé. Les gastropexies prophylactiques sont effectuées sous laparoscopie.

5 LES ARYTHMIES CARDIAQUES NE NÉCESSITENT AUCUN TRAITEMENT.

Faux, même si cela fait encore l’objet d’une controverse. Le taux rapporté d’arythmies cardiaques après un SDTE, qui restent la principale complication, s’élève à 75 % (dont 42 % d’arythmies sévères). Ces troubles du rythme cardiaque, le plus souvent d’origine ventriculaire (voir photo 3), peuvent survenir dès l’apparition d’un SDTE, pendant la phase de réanimation préopératoire ou de chirurgie, ou dans les trente-six heures qui suivent la réanimation. L’étiologie est multiple : état de choc, hypoxie, troubles acido-basiques et électrolytiques, libération d’endotoxine par les tissus ischémiés, etc. L’apparition de dysfonctionnements du rythme en période préopératoire a été associée à une augmentation du taux de mortalité. Leur prise en charge globale est indiquée afin de limiter leur incidence : contrôle de la douleur à l’aide de morphiniques, oxygénothérapie et fluidothérapie. Des antiarythmiques sont utilisés quand les anomalies électrocardiographiques sont associées à une baisse de la fonction myocardite, à un choc ou à une diminution de la perfusion. La lidocaïne est actuellement la molécule de choix. Un monitoring cardiaque doit systématiquement être instauré dans les quarante-huit heures postopératoires.

6 LE GAZ STOMACAL EST ISSU DE LA FERMENTATION GASTRIQUE.

Faux. L’air provient majoritairement de l’aérophagie réactionnelle, due au stress, et pour une faible part de la fermentation. Le contenu liquide vient principalement de l’eau de boisson (dans ce cas, les chiens boivent beaucoup), puis de l’hypersalivation et, dans une moindre mesure, des sécrétions gastriques.

7 LA TORSION EST L’ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR DE LA DILATATION.

Faux, la dilatation précède la torsion. Mais généralement, lorsque les praticiens interviennent, les deux phénomènes coexistent.

8 LORS DE TORSION, L’ANGLE DE ROTATION EST DE 360°.

Faux. La rotation du pylore se fait d’abord ventralement, vers la gauche, le plus souvent à 180° et parfois jusqu’à 270°. Lors de la laparotomie, si l’épiploon qui recouvre l’estomac apparaît d’emblée, cela confirme la présence d’une torsion dès l’ouverture (voir photo 4).

9 LA PRISE EN CHARGE DE LA DILATATION-TORSION DIFFÈRE DE CELLE DE LA DILATATION SEULE.

Faux. L’approche est sensiblement identique sur tous les points : prise en charge de l’état de choc et des troubles du rythme cardiaque, sondage gastrique et vidange de l’estomac, exploration chirurgicale et réalisation systématique d’une gastropexie. La réanimation postopératoire est également similaire.

10 LA RADIOGRAPHIE EST LE PREMIER EXAMEN À RÉALISER.

Faux. Elle ne présente que peu d’intérêt, si ce n’est de montrer la dilatation pour l’expliquer au propriétaire (voir photo 5). Le fait de diagnostiquer une dilatation, associée ou non à une torsion de l’estomac, ne doit pas modifier la conduite à tenir.

11 L’ALIMENTATION JOUE UN RÔLE MAJEUR DANS L’APPARITION DU SDTE.

Vrai. De nombreuses études récentes valident le rôle joué par l’alimentation dans la survenue d’un SDTE. Les principales recommandations à apporter au propriétaire sont de proposer au moins deux repas par jour et d’éviter la prise de nourriture en hauteur, ainsi que les repas avalés rapidement et tout stress pendant cette période.

12 LE TAUX DE SURVIE DU SDTE EST DE L’ORDRE DE 50 %.

Vrai… il y a trente ans ! La compréhension de la physiopathogénie de ce syndrome et les progrès réalisés durant les dernières années dans la prise en charge de l’état de choc ont permis d’améliorer significativement le pronostic. Les études les plus récentes montrent un taux de survie moyen de 85 %. Plusieurs indicateurs pronostiques défavorables ont pu être mis en évidence : la présence d’une nécrose gastrique, fortement défavorable (voir photo 6), un choc sévère à l’admission, la nécessité d’une splénectomie pendant l’intervention chirurgicale, la présence d’arythmie, l’élévation du lactate plasmatique préopératoire ou les récidives.

13 LA GASTROPEXIE EST RÉSERVÉE AUX CAS DE RÉCIDIVE.

Faux. Le risque de SDTE chez les chiens qui pèsent plus de 23 kg est de l’ordre de 5,7 %, mais il s’élève à 36,7 % chez le dogue allemand par exemple. Il y a donc tout intérêt à réaliser une pexie préventive chez les animaux de races à risque comme le dogue et le berger allemands ou encore le boxer. Cette gastropexie prophylactique peut être réalisée de façon conventionnelle ou sous laparoscopie, au moment de la stérilisation par exemple.

BIBLIOGRAPHIE

  • • P. Sourbe : « Le syndrome dilatation-torsion d’estomac chez le chien : étude sur 492 cas, clinique Frégis », thèse de doctorat vétérinaire, Nantes, 1987.
  • • A.V. Eggerstodttir et coll. : « Comparison of two surgical treatments of gastric dilatation-volvulus in dogs », Aca. Veterinaria, 1996, n° 37, pp. 415-426.
  • • M.P. Ward et coll. : « Benefits of prophylactic gastropexy for dogs at risk of gastric dilatation-volvulus », Prev. Vet. Med., 2003, n° 60, pp. 319-329.
  • • E. Monnet : « Gastric dilatation-volvulus syndrome in dogs », Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract., 2003, vol. 33, n° 5, pp. 987-1005.
  • • T.L. Miller et coll. : « Effects of acute gastric distention and recovery on tendency for ventricular arrhythmia in dogs  », J. Vet. Intern. Med., 2000, vol. 14, n° 4, pp. 436-444.
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