Un frottis sanguin est indispensable lors d’anémie - La Semaine Vétérinaire n° 1199 du 22/10/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1199 du 22/10/2005

Spécificités hématologiques félines

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Isabelle Goujon

Chez le chat, les anémies présentent un certain nombre de différences physiopathologiques par rapport à celles observées chez le chien.

Par définition et quelle que soit l’espèce, une anémie consiste en une diminution de la quantité d’hémoglobine présente dans le sang (ou éventuellement une baisse de l’hématocrite ou de la quantité de globules rouges). Chez le chat, une hémoglobinémie inférieure à 8 g/l possède une valeur diagnostique.

L’hémoglobine du chat est assez différente de celle des autres espèces

Comme chez tous les mammifères, la production des hématies est réalisée grâce à l’hormone érythropoïétine produite par le rein. Elle se déroule dans la moelle osseuse et dure quatre à sept jours. Toutefois, chez le chat, une synthèse rapide est possible, pendant deux jours seulement. Il s’agit d’un phénomène dit “de maturation précoce”, mis en œuvre en cas d’urgence. Dans ces circonstances, de nombreux réticulocytes, voire des érythroblastes acidophiles(1), peuvent être observés dans le sang de l’animal.

La durée de vie des hématies félines est d’environ soixante-dix jours. Chez le chaton, un phénomène de changement de la population des globules rouges survient à l’âge de trois à quatre semaines et constitue une étape critique de la vie de l’animal.

L’hémoglobine du chat diffère de celle des autres espèces, car elle est sensible aux phénomènes oxydatifs. Les globules rouges possèdent également une tendance à l’agglutination spontanée et forment facilement des rouleaux sur la lame.

La réticulocytose féline désigne la faculté de cette espèce à fabriquer des hématies jeunes, faculté qui perdure jusqu’à dix jours après le phénomène qui a déclenché la régénération. Des réticulocytes ponctués sont alors observés sur un frottis, tandis que les réticulocytes réticulés apparaissent douze heures après le début de la régénération.

La morphologie des hématies est à évaluer par un frottis sanguin

« Lorsqu’une anémie est suspectée, il est essentiel de ne pas se contenter des résultats de l’automate et de réaliser un frottis sanguin de manière systématique », souligne notre consœur Christine Médaille. L’un des phénomènes suivants peut alors être mis en évidence et apporter de nombreux renseignements sur la nature et l’origine de l’anémie :

- une anisocytose (cellules de tailles variées) et une polychromatophilie (cellules de pigmentations différentes), observées simultanément, signalent la présence de réticulocytes ;

- la présence d’érythroblastes est fréquente lors d’anémie régénérative, mais doit impérativement s’accompagner de réticulocytose ;

- les agglutinats d’hématies, mis en évidence lors de phénomènes à médiation immune, ne doivent pas être confondus avec des rouleaux, dont la présence est physiologique ;

- les résidus nucléaires présents physiologiquement dans les hématies sont les corps de Howell-Jolly. Ils sont à distinguer des hémobartonelles qui, elles, sont surtout observées en périphérie des cellules.

Un certain nombre d’examens complémentaires sont indispensables

L’examen clinique et le recueil de l’anamnèse sont essentiels lors d’anémie féline, dont les symptômes sont souvent frustes et tardifs. Anorexie, apathie et tachypnée sont fréquemment rapportées et résultent du défaut d’oxygénation tissulaire causé par la diminution de la masse sanguine. Les informations rapportées par le propriétaire permettent aussi de dater le début du phénomène (anémie chronique ou aiguë). La connaissance du mode de vie de l’animal et de son statut sérologique vis-à-vis des rétroviroses félines, des commémoratifs de traumatismes ou de pertes de sang, parfois minimes, orientent également le diagnostic étiologique.

Au cours de l’examen clinique, toute l’attention du vétérinaire se porte sur la couleur des muqueuses (pâleur, ictère, etc.), la fréquence respiratoire, l’existence de fractures, la présence de masses, de ganglions modifiés ou d’une éventuelle hypertrophie d’organe.

Si des examens complémentaires sont envisagés, ils sont à effectuer avant tout traitement. Plusieurs étapes sont incontournables lors de l’évaluation de l’anémie :

- la réalisation d’un hémogramme et d’un frottis ;

- le comptage des réticulocytes ;

- la mise en œuvre de tests vis-à-vis de la leucose (FeLV) et de l’immunodéficience (FIV) félines ;

- un examen biochimique de routine, qui inclut notamment la recherche d’une insuffisance rénale et le dosage des enzymes hépatiques et de la bilirubinémie, les subictères étant parfois peu visibles ;

- la réalisation des tests de Coombs (sur tube EDTA non centrifugé, voir encadré) et de coagulation (sur tube citraté).

Un myélogramme est en outre parfois nécessaire.

Les anémies sont classées selon leur caractère régénératif ou non

Les anémies sont dites régénératives (lors d’hémorragie ou d’hémolyse) lorsque le nombre de réticulocytes est supérieur à 60 000/mm3 de sang. Elles sont arégénératives (d’origine virale ou non) dans le cas contraire. « Toutefois, en début de régénération, la présence d’une faible quantité de réticulocytes peut mimer une anémie arégénérative artefactuelle », affirme notre consœur, ce qui implique une interprétation prudente.

Les anémies régénératives peuvent être dues à des hémorragies ou à des phénomènes hémolytiques. Dans le premier cas, un épanchement n’est pas toujours présent. Les pertes sanguines ont plusieurs causes principales :

- le parasitisme provoque des anémies ferriprives avec microcytose sans hypochromie qui sont rares chez l’adulte, mais existent chez le chaton ;

- les saignements en nature peuvent facilement provoquer des anémies, notamment au cours d’interventions chirurgicales ;

- les saignements d’origine tumorale ;

- les thrombocytopénies et les troubles de l’hémostase secondaire (rares chez le chat) : coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), intoxications aux antivitaminiques K1.

Les anémies hémolytiques sont relativement fréquentes chez le chat. Un frottis régénératif est alors observé. L’animal présente généralement un ictère et une bilirubinémie augmentée, associée à une bilirubinurie. Une splénomégalie, une leucocytose et une thrombocytose réactionnelles peuvent également être mises en évidence. Parmi les causes d’anémies hémolytiques figurent l’hémobartonellose et les anémies à corps d’Heinz (idiopathiques ou dues aux intoxications par le paracétamol, les oignons, le propylène glycol, le propofol, etc., voir photo 1). Les anémies hémolytiques auto-immunes, les déficits en phosphofructokinase, les poïkilocytoses associées aux lipidoses hépatiques et les isoérythrolyses néonatales sont beaucoup moins fréquents.

Les anémies arégénératives sont liées à la leucose dans 70 % des cas. Il s’agit alors d’anémies normochromes, normocytaires, parfois macrocytaires. L’infection par le FIV ou par le virus de la péritonite infectieuse féline (PIF), l’insuffisance rénale chronique et les carences en fer liées au parasitisme provoquent également des anémies centrales. Les aplasies érythroïdes non FeLV dépendantes touchent de jeunes chats de moins de trois ans et répondent notamment aux corticoïdes. Lors de myélome, une affection caractérisée par la production d’immunogammaglobulines, une hyperprotéinémie s’ajoute à l’anémie.

Les anémies félines revêtent un certain nombre de particularités spécifiques à cette espèce. Les phénomènes oxydatifs et l’infection par le virus leucémogène félin constituent deux des causes les plus fréquemment décrites. Dans ce dernier cas, l’avenir repose peut-être sur l’utilisation de l’interféron gamma qui semble permettre une augmentation de la durée de vie et du nombre de globules rouges chez les chats atteints de leucose.

  • (1) Cellules à un stade de maturation qui précède le stade réticulocytes.

CONFÉRENCIÈRE

Christine Médaille, laboratoire Vebiotel, Arcueil (Val-de-Marne).

Article réalisé d’après la conférence sur les « anémies félines » présentée lors du congrès de l’Association des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), le 12 décembre 2004 à Paris.

VOIR AUSSI

• A. Thebault : « Réaliser une transfusion sanguine chez le chien et le chat », Le Point Vétérinaire, 2005, vol. 36, n° 252, pp. 38-44.

• L. Halos : « Les ehrlichioses félines : des bactérioses émergentes ? », Le Point Vétérinaire, 2004, vol. 35, n° 248, pp. 48-50.

• K. Savary-Bataille : « Conduite diagnostique face à une anémie chez les carnivores domestiques », Le Point Vétérinaire, 2002, vol. 33, n° 229, pp. 50-53.

Principes du test de Coombs

Le test de Coombs permet de prouver l’origine immunitaire du mécanisme de destruction des globules rouges lors d’anémie. Son principe repose sur la mise en évidence d’anticorps fixés sur la surface des hématies ou présents dans le sérum de l’animal malade.

• Le test de Coombs direct consiste à mettre les hématies du malade (sang prélevé sur tube EDTA ou citraté et conservé à 37° C) en contact avec des anticorps “anti-anticorps”. Ces derniers se fixent sur les anticorps qui recouvrent la surface des hématies et provoquent leur agglutination. Le test est alors positif et démontre l’existence d’un phénomène immunitaire, mais sans préciser si les anticorps fixés sont des auto-anticorps (contre un antigène érythrocytaire) ou s’ils sont dirigés contre un xénoantigène. Concrètement, il ne permet pas de distinguer une anémie hémolytique auto-immune d’une anémie à médiation immune secondaire.

• Le test de Coombs indirect consiste à faire réagir le sérum du malade avec les hématies d’un donneur sain du même groupe, afin de révéler la présence d’anticorps anti-hématies spécifiques, donc de type auto-anticorps.

I. G.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr