Que pensez-vous de la nouvelle génération de praticiens ? - La Semaine Vétérinaire n° 1198 du 15/10/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1198 du 15/10/2005

Entre nous

FORUM

Le jeune vétérinaire est plutôt une femme

José Balter, praticien canin à Poissy (Yveles).

Je n’emploie pas de jeunes confrères, mais j’ai quand même mon avis sur la question. Je pense d’abord que la nouvelle génération n’est pas différente de l’ancienne. Quand je suis sorti de l’école, j’avais le même manque d’expérience, par la force des choses.

Il convient notamment que les nouveaux praticiens prennent en compte l’aspect économique de la pratique du métier, même en canine. Ces jeunes confrères et consœurs ont tendance à traiter les cas un peu comme ils l’ont appris dans les écoles vétérinaires. Cela ne peut pas leur être reproché, mais ce n’est pas toujours raisonnable. Les jeunes diplômés ne parviennent pas à faire la part des choses. Le problème est toujours le même dans l’enseignement vétérinaire. En effet, les enseignants donnent aux jeunes une image beaucoup trop technique de la profession. Cet aspect, certes indispensable à prendre en considération, doit être complété par une dimension humaine et sociale.

Par ailleurs, la majorité des étudiants des écoles vétérinaires sont des jeunes femmes. Cet afflux féminin sur le marché de l’emploi entraîne forcément des conséquences importantes. Il est notamment plus difficile de demander à une femme qui a des jeunes enfants d’assurer la consultation du soir jusqu’à 19 h 30 et de faire éventuellement les gardes de nuit.

Il faut que la profession, et notamment les laboratoires, prenne en compte le fait que le jeune vétérinaire d’aujourd’hui est plutôt une consœur. Je viens justement de tomber sur la publicité d’une grande firme d’aliments pour animaux de compagnie qui met en scène un confrère au look de “gendarme d’intervention” et une femme identifiée comme l’auxiliaire. Et pourquoi pas l’inverse ?

Un environnement hypersécurisé

Jean-Marc Schaller, praticien canin à Paris.

J’emploie de jeunes confrères pour mon service de garde. Leur profil sociologique évolue : il y a davantage de filles, moins d’enfants de vétérinaires ou de paysans. Leur niveau social est plus élevé, leurs préoccupations différentes des nôtres, il y a vingt ans.

Aujourd’hui, la formation vétérinaire est de très bonne qualité, mais certainement trop idéaliste, car éloignée des contraintes économiques. Les jeunes ne connaissent qu’un environnement “hypersécurisé” (en termes d’examens complémentaires, par exemple). Seuls, ils manquent souvent d’initiative et de courage. Confort et sécurité sont privilégiés par rapport à l’intuition, à l’empirisme et au risque (calculé), comme dans notre société.

Une époque qui privilégie la réussite personnelle

François de Coulibœf, praticien à Ponthierry (Seine-et-Mame)

La nouvelle génération de praticiens révèle les tendances de la nouvelle génération des citoyens avec, tout de même, un décalage de cinq à dix ans. Elle est totalement inscrite dans une époque où sont nettement privilégiées la réussite personnelle et la préservation de l’espace privé. Une partie du fonctionnement de la société repose sur le caractère “jouisseur” de la nouvelle génération.

Les jeunes vétérinaires sortent du même bocal. Ils se préoccupent probablement davantage que leurs aînés du rapport entre le travail fourni, les revenus et la masse de contraintes et de plaisirs qui en découlent. En d’autres termes, quand ce rapport est en leur défaveur et que le travail ne les intéresse pas, ils ne le font tout simplement pas.

A contrario, l’ancienne génération visait avant tout le succès technique et matériel, en attachant peu de cas à la qualité de la vie personnelle. L’évolution sociale ambiante rend cela impossible. Nous sommes dans la civilisation du temps libre. Personnellement, je ne suis pas nostalgique de l’époque antérieure. Je suis simplement irrité par nos obligations résiduelles. Notre profession fait partie du présent : nous n’avons donc pas à nous sentir comme les “bonnes sœurs” du XXIe siècle.

En ce sens, certains aspects de la déontologie me paraissent inadaptés à cette évolution. Elle est fondée sur l’utopie d’un caractère surhumain du vétérinaire, qui aurait des engagements par rapport à la société. En venant voir le praticien, les clients attendent ainsi la réalisation d’un rêve, et non l’exécution d’un service. Cette manière d’envisager la pratique de la médecine vétérinaire était valable à une époque où il y avait peu de contraintes administratives et où les professions dites “indépendantes” pouvaient être considérées comme privilégiées. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : le praticien doit faire face à un réseau d’obligations calquées sur celles d’une entreprise commerciale.

La déontologie ne devrait parler que d’un respect des engagements pris par rapport au client, dans le cadre d’un contrat de soins, et non établir des obligations unilatérales. La nouvelle génération a la tâche de prendre conscience de cette réalité et de militer pour que cela change. Elle délaissera une partie de la pratique si la déontologie n’est pas adaptée. Pour le moment, les confrères utilisent des stratégies d’évitement. La prise en charge des animaux errants est un exemple frappant. Ce type d’acte est tombé entre les mains des filiales commerciales des associations de protection animale. Pour cet acte social, le confrère, lui, n’est pas payé.

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