La grippe équine pourrait être transmise au chien, selon des chercheurs américains

Une équipe américaine estime que le virus de la grippe équine pourrait franchir la barrière d'espèce du cheval au chien. Elle expose cette hypothèse dans un article de la revue Science, paru sur l'Internet le 26 septembre dernier^*. Dans le contexte actuel de la grippe aviaire, ce texte a suscité l'inquiétude de plusieurs quotidiens nationaux qui s'interrogent sur l'éventuelle transmission du virus de la grippe entre des espèces souvent au contact de l'homme.

«  Dans son article, Cynda Crawford, vétérinaire de l'université de Floride, parvient à prouver qu'un virus influenza équin a pu passer la barrière d'espèce sans réassortiment préalable avec un virus d'origine canine, avant de se propager chez des chiens. Pourtant, les virus équins constituent un lignage à part, jusqu'ici inféodé aux équidés uniquement », explique Gwenaëlle Dauphin (Afssa d'Alfort).

Le virus influenza équin est bien connu. Jusqu'à présent, aucune transmission à d'autres espèces n'avait été notée. «  Un événement de transmission d'un virus influenza d'origine non équine à des chevaux a été décrit une seule fois. Ainsi, en 1989, une épizootie de grippe équine en Chine a été provoquée par une souche virale (souche A/Equine/Jilin/1/89) d'origine aviaire, puisqu'elle comportait six segments génomiques sur huit d'origine aviaire^**. »

Phylogénétiquement, le génome du virus canin est proche des souches virales équines

Les premiers cas de grippe canine d'origine équine dateraient de 2003. Ils ont été observés aux Etats-Unis chez des lévriers de course dans plusieurs foyers, entraînant une morbidité (symptômes fébriles, respiratoires) et une mortalité de 5 à 8  %. D'autres foyers auraient été iden­­tifiés cette année sur des champs de course de lévriers, voire chez des chiens de compagnie dans l'Etat du Connecticut et près de New-York.

Les recherches montrent que le génome du virus est de type H3N8, proche phylogénétiquement de souches virales équines qui ont circulé aux Etats-Unis dans les années 1990. «  Par ailleurs, la maladie a pu être reproduite par l'ino­culation d'un isolat issu d'un chien mort chez d'autres chiens, confirmant le caractère pathogène de la souche virale en question pour cette espèce », précise Gwenaëlle Dauphin.

Ces observations suscitent d'autant plus l'inquiétude que la transmission d'un virus d'une espèce à une autre se termine habituellement en cul-de-sac, au sens épidémiologique du terme (par exemple, le virus de la grippe aviaire peut se transmettre de l'animal à l'homme, mais exceptionnellement d'homme à homme).

Ce risque infectieux souligne l'utilité du Réseau d'épidémiosurveillance des pathologies équines (Respe), qui rassemble aujourd'hui plus de cent dix confrères répartis sur le territoire et a notamment instauré une surveillance de la grippe équine. Par ailleurs, les laboratoires spécialisés sont toujours en quête d'isolement de souches virales, de façon à adapter les vaccins à celles qui circulent en France, à alerter l'ensemble de la profession dans les meilleurs délais et à informer les autorités sanitaires si un cas de transmission d'un virus influenza équin à un chien se présentait.

• * P.C. Crawford et coll. : «  Transmission of equine influenza virus to dogs », Science, publication en ligne, 26/9/2005.

• ** Y. Guo et coll. : «  Characterization of a new avian-like influenza A virus from horses in China », Virology, 1992, voL. 188,  n°1, pp. 245-255.