Troubles du comportement et prise alimentaire sont liés - La Semaine Vétérinaire n° 1194 du 17/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1194 du 17/09/2005

Rituels et dysfonctionnements autour des repas

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Vincent Coupry

Fonctions : comportementaliste diplômé des écoles vétérinaires françaises, praticien à Longjumeau (Essonne).

Certains troubles du comportement chez le chien et le chat peuvent entraîner des modifications de la prise alimentaire et vice versa, lors de distribution erronée.

L’anorexie (c’est-à-dire l’absence d’appétit) signe le plus souvent une maladie organique. Mais elle existe aussi lors de dépression aiguë, et parfois en cas d’anxiété permanente.

Les signes cliniques de la dépression aiguë sont dominés par une inhibition généralisée. L’animal se désintéresse de tout, y compris de la nourriture. Cette affection survient à la suite d’un stress majeur, d’une perte de repères affectifs ou territoriaux. Elle peut également être endogène, c’est-à-dire liée à une maladie (dysendocrinie, affection algique ou rétrovirus), et parfois iatrogène (corticoïde, progestagène).

Chez le chiot et le chaton, l’anorexie est à considérer comme une urgence vitale. En outre, le chat ne supporte pas une privation de nourriture supérieure à trois, voire cinq jours, en raison d’un risque de lipidose hépatique. Le gavage peut toutefois aggraver son stress. Dans ce cas, l’utilisation d’une sonde naso-œsophagienne ou d’un psychotrope qui relance l’appétit (miansérine) est préférable.

La boulimie est d’origine comportementale ou organique

La boulimie (recherche et consommation de nourriture au-delà de toute satiété) peut correspondre à plusieurs troubles :

- une activité de substitution lors d’anxiété permanente ou de dépression chronique (l’animal est obsédé par la recherche de nourriture) ;

- un déficit des autocontrôles avec perte du signal d’arrêt, y compris de la prise alimentaire (l’animal mange tant qu’il y a de la nourriture) ;

- des maladies organiques (certaines tumeurs cérébrales, une dysendocrinie ou un syndrome maldigestion-malabsorption).

La dysorexie (variation de l’appétit avec alternance imprévisible d’épisodes de boulimie et d’anorexie) oriente le diagnostic vers des troubles de l’humeur (dysthymie) ou éventuellement une dépression chronique.

Il est important de faire manger le chien après ses maîtres, seul, en temps limité

Dans l’espèce canine, la prise alimentaire a un rôle social majeur. Lors du sevrage, le chiot accède progressivement à la gamelle des adultes. Pour être accepté, il émet des signaux d’apaisement, qui se transforment peu à peu en signaux de soumission. Par la suite, au sein de la meute, le dominant mange en premier sous le regard de ses congénères puis leur laisse une partie de son repas. La relation de dominance entre les maîtres et l’animal s’établit de la même manière. Ainsi, il est important de faire manger le chien après ses maîtres, seul, en un temps limité ou, si cela est impossible, de le nourrir au moins une heure avant. De plus, toute manifestation du chien au cours du repas des maîtres doit être fermement sanctionnée ou ignorée. En revanche, mieux vaut ne jamais intervenir dans la régulation des accès à la nourriture au sein d’un groupe de chiens, au risque d’empêcher la mise en place d’une hiérarchie stable.

Il convient de présenter toujours la même nourriture, sans céder au chien

Au moment de la puberté, de nombreux chiens se mettent à “chipoter” : ils mangent moins et de façon irrégulière. Souvent, les propriétaires s’inquiètent, changent l’aliment, surveillent le chien pendant son repas et créent des rituels autour de la prise alimentaire, avec pour première conséquence un risque de troubles de la hiérarchie. En outre, ils sont tentés d’abandonner les aliments premium, souvent un peu moins appétents, au profit d’aliments standard. Il convient de les avertir de l’existence de cette période en insistant sur la nécessité de présenter toujours la même nourriture, sans céder au chien.

Le chiot atteint de dyssocialisation primaire (défaut de communication sociale), devient agressif lors de toute contrainte ou menace, en particulier face aux tentatives de contrôle de son accès à la nourriture.

Une prise alimentaire nocturne, lorsque la maison est calme, sera le signe d’une phobie sociale ou d’un syndrome de privation sensorielle. A l’inverse, la prise de nourriture uniquement en présence des maîtres peut marquer un trouble hiérarchique ou bien un hyperattachement (présence rassurante).

Il est souvent difficile de convaincre le propriétaire que la monotonie de la nourriture n’est pas gênante pour un chien et qu’il faut privilégier la qualité à la diversité. En effet, cette idée paraît contredite par le comportement quémandeur des chiens. Pourtant, l’animal recherche avant tout, du moins au début, ce qui vient de la main, ainsi qu’une interaction sociale.

Pica et coprophagie sont des comportements normaux chez les jeunes

Le pica est la consommation d’éléments non nutritifs. L’exploration orale conduisant parfois à la consommation d’objets est normale jusqu’à l’âge de six mois chez le chien et six semaines chez le chat. De même, la coprophagie (consommation d’excréments) est normale jusqu’à trois à quatre mois. Lorsque le pica persiste au delà de six mois chez le chien, un infantilisme persistant (non rupture du lien d’attachement primaire) peut être suspecté. Mais, le plus souvent, il convient de rechercher un déficit des autocontrôles avec persistance de l’exploration buccale du chien hypersensible-hyperactif (HS-HA). Dans ce cas, les destructions d’objets sont fréquentes. La réapparition d’un pica chez le vieux chien devra orienter le diagnostic vers une dépression d’involution.

Une coprophagie persistante chez le chien s’auto-entretient souvent par la mise en place de rituels autour de ce comportement (intérêt accru du propriétaire, surveillance et interpellations). En revanche, une coprophagie chez un chien malpropre peut être un moyen de faire disparaître l’objet du “délit”. Elle résulte le plus souvent de punitions mal adaptées.

Le comportement de “picorage” du chat peut conduire à l’obésité

La hiérarchie n’existe pas chez le chat. L’accès à la gamelle se fait selon l’ordre d’arrivée, à l’exception de quelques chats “despotes” qui s’imposent. En revanche, tous les phénomènes de facilitation sociale, de rituels et de prise alimentaire nocturne lors de phobie existent aussi dans l’espèce féline.

Lorsqu’un chat se frotte contre leurs jambes, de nombreux propriétaires interprètent ce comportement d’allomarquage comme une demande de nourriture et remplissent la gamelle. Le sentiment du maître est renforcé par le fait que le chat, consommateur par à-coups, ira effectivement manger quelques croquettes. Cela peut aboutir à la mise en place de rituels autour de la nourriture et entraîner une obésité.

D’une façon générale, de nombreux possesseurs de chats sont perturbés par le comportement alimentaire de leur animal qui consiste à manger peu et souvent. Ils l’interprètent comme un manque d’attrait pour tel aliment, ce qui les conduit à proposer régulièrement de nouveaux produits. Ceux-ci sont rapidement ingérés les premiers jours, puis le chat se régule, donnant l’impression qu’il n’en veut plus. C’est un cercle vicieux qui mène à une surconsommation. Ces spécificités félines doivent donc être expliquées aux propriétaires.

En absence d’aliments disponibles ad libitum, le chat peut développer un comportement agressif autour de la distribution alimentaire. C’est le syndrome du tigre, avec griffures et morsures par irritation (frustration par faim), associées régulièrement à un comportement de prédation sur les pieds et les mains des propriétaires. La régulation de la prise alimentaire est alors un élément majeur du traitement de l’anxiété du chat en milieu clos. Elle passe par la distribution à volonté et la dispersion des aliments en plusieurs points plus ou moins facilement accessibles dans l’appartement, à la fois pour augmenter le temps du repas et pour créer des activités.

La succion chez le chat est parfois liée à un hyperattachement

Chez le chat, le pica est plus rare que chez le chien. Un comportement “suceur de laine” (wool sucking syndrom) devra faire suspecter un syndrome de détachement précoce, avec une prédisposition pour la race siamoise. Sa persistance peut orienter vers tout type d’hyperattachement, une dépression chronique ou une dépression d’involution. L’ingestion d’herbes (herbe à chat, valériane) aurait un effet hypnotique doux et hallucinogène chez environ la moitié des chats.

La prise alimentaire peut être régulée par les psychotropes

Certains psychotropes aident à contrôler la prise alimentaire. Les propriétés orexigènes des benzodiazépines sont bien connues, mais des effets secondaires contre-indiquent leur utilisation : état dépressif iatrogène, effet rebond (réapparition de l’anorexie pendant ou à l’arrêt du traitement), pouvoir désinhibiteur majeur et risque, chez le chat, d’une hépatotoxicité fulgurante.

La miansérine (Athymil®, à raison de 2 à 5 mg/kg/j) a un effet orexigène rapide et intéressant lors d’anorexie persistante, mais est associée à des propriétés désinhibitrices dont il faut tenir compte. A l’inverse, la fluoxétine (Prozac®, à la dose de 1 à 4 mg/kg/j) sera utilisée lors de boulimie ou d’absence de satiété de l’animal HS-HA. Son action est multiple : propriétés anorexigènes par augmentation de la satiété, augmentation des autocontrôles lors des séquences comportementales et diminution de l’impulsivité.

BIBLIOGRAPHIE

  • • Colette Arpaillange : « Troubles du comportement alimentaire », conférence présentée à VétoAlp (2002).
  • • Patrick Pageat, Catherine Mège : « Prévention des troubles du comportement à l’origine de désordres organiques », conférence présentée à VétoAlp (2002).
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr