Tumeurs et traumatismes sont les causes majeures de paralysie - La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1193 du 10/09/2005

Neurologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Sébastien Behr et Laurent Cauzinille

Les hernies discales félines sont rares. Les signes de paralysie proviennent davantage de traumatismes médullaires, lymphomes, infections ou thrombo-embolies aortiques.

L'affection discale étant beaucoup moins fréquente chez le chat que chez le chien, il convient d'être particulièrement attentif au recueil des commémoratifs et à l'examen général face à des signes de paralysie.

Les principales affections à l'origine de signes nerveux de paralysie chez cette espèce peuvent avoir des répercussions générales importantes, tant sur le plan diagnostique qu'au niveau du pronostic et des choix thérapeutiques.

Les traumatismes sont principalementdes fractures, des luxations et des contusions

Lors de défenestration ou d'accident de la voie publique, les traumatismes médullaires sont fréquents chez le chat (voir photo 1). Les principales causes de paralysies traumatiques sont les fractures ou luxations vertébrales et les contusions médullaires. Les animaux concernés doivent être examinés comme des polytraumatisés. Les lésions thoraciques, abdominales et orthopédiques sont en particulier à évaluer.

La plupart des chats présentent des lésions vertébrales visibles sur des radiographies sans préparation de la colonne. Les sites lésionnels privilégiés sont la jonction lombo-sacrée et la région thoraco-lombaire. Lors de luxation/fracture sacro-coccygienne, des signes d'incontinence urinaire et/ou fécale sont plus souvent rencontrés que des lésions sciatiques importantes à l'origine de difficultés locomotrices. Chez les jeunes sujets, des fractures vertébrales de type Salter I de l'épiphyse du corps vertébral sont souvent notées.

Certains chats n'ont aucune lésion vertébrale visible à la radiographie et présentent des déficits nerveux importants. La myélographie ne met pas toujours en évidence une compression, mais elle peut révéler une image intramédullaire compatible avec un œdème et/ou une hémorragie (voir photo 2).

Une contusion médullaire consécutive à un déplacement vertébral au moment du traumatisme et un retour à la normale juste après, ou un choc dans le canal vertébral, sont les deux mécanismes qui peuvent expliquer de tels signes de paralysie.

En l'absence de compression médullaire, seul un traitement conservateur est envisageable. Il est possible d'avoir recours à la méthyl-prednisolone, selon le protocole antiradicaux libres (30 mg/kg par voie intraveineuse lente puis 5,4 mg/kg/h en perfusion pendant douze à vingt-quatre heures), dans les six à huit heures qui suivent une contusion médullaire. Lors de faible déplacement vertébral et de déficit nerveux modéré, un confinement en cage pendant six à huit semaines permet généralement une bonne récupération fonctionnelle, notamment chez les animaux jeunes (moins d'un an). En cas de déplacement vertébral important et de compression extradurale, une intervention chirurgicale doit être envisagée aussi rapidement que possible. Une laminectomie ou une hémilaminectomie, associée à une durotomie en l'absence de nociception, sont réalisées à des fins de décompression et d'exploration du canal vertébral (retrait de fragment osseux ou d'hématome). Une stabilisation vertébrale est alors souhaitable. Elle est effectuée à l'aide de broches filetées et/ou de vis associées à un ciment de polyméthylmétacrylate. Dans tous les cas, les soins de décubitus, le confinement, la réalimentation à hauteur de 200 % des besoins d'entretien, les vidanges vésicales et la physiothérapie sont des éléments importants du traitement.

Le pronostic est variable, principalement selon l'examen nerveux lors de l'admission. Dans une étude rétrospective menée sur trente cas de traumatismes de la moelle épinière (voir bibliographie 2 en page 40), 61 % des chats présentent une récupération excellente, 22 % retrouvent une locomotion fonctionnelle et 17 %récupèrent mal. La présence ou l'absence de nociception constitue un facteur pronostique fondamental. Dans cette même étude, l'absence de nociception est associée à une forte incidence de myélomalacie qui ne permet aucune récupération lorsqu'elle est diffuse.

Le lymphome médullaire est fréquemment associé au virus de la leucose féline

Le lymphome médullaire est une cause importante de paralysie chez le chat, chez les jeunes en particulier (médiane de deux ans). Dans une étude rétrospective sur 240 chats atteints de lymphome, un envahissement du système nerveux central est retrouvé dans 12 % des cas. Par ailleurs, dans 50 à 85 % des cas de lymphome du système nerveux central (selon les travaux), une atteinte d'autres organes est mise en évidence. Ainsi, un examen général complet avec une palpation des nœuds lymphatiques, une auscultation respiratoire, une palpation abdominale et un examen du fond d'œil sont nécessaires. Dans 84 % des cas de lymphome médullaire, une association avec le virus de la leucose féline (FeLV) est notée, alors qu'il n'est jamais associé au virus de l'immunodéficience féline (FIV). Les signes nerveux évoluent le plus souvent vers une détérioration aiguë qui fait suite à des signes évolutifs.

Le diagnostic peut se faire d'après l'analyse cytologique du liquide cérébro-spinal. Une pléocytose et une protéinorachie non spécifiques sont rencontrées dans la plupart des cas. A la myélographie, une compression extradurale, souvent étendue, peut être mise en évidence. Le lymphome à l'origine d'une paralysie est fréquemment extramédullaire, plus rarement vertébral. La localisation est essentiellement thoracique ou lombaire. La réalisation d'un bilan d'extension est recommandée (numération et formule sanguines, radiographies thoraciques, échographie abdominale, myélogramme), ainsi qu'un test FeLV. En cas de signes nerveux importants (plégie, absence de nociception), une hémilaminectomie assure une décompression médullaire et une réduction de la masse tumorale. Elle permet également la réalisation d'un calque destiné à une analyse cytologique (voir photo 3) et d'un prélèvement pour un examen histopathologique, afin d'obtenir le diagnostic de certitude et de typer le lymphome. Dans la plupart des cas, il s'agit d'un lymphome lymphoblastique de haut grade ou immunoblastique.

L'intérêt de la chirurgie est également l'obtention d'une récupération fonctionnelle plus rapide et d'une médiane de survie plus longue, selon S.B. Lane et son équipe (voir bibliographie 3). En l'absence d'opération, il est possible de réaliser une ponction à l'aiguille fine de la masse extradurale en vue du diagnostic. Une chimiothérapie doit être entreprise rapidement, seule ou après une intervention décompressive. Un protocole de COP (“cyclophosphamide-vincristine-prednisone”) modifié, avec une induction à la kidrolase, permet d'obtenir une rémission dans plus de la moitié des cas. La durée médiane de rémission complète est de quatorze semaines, ce qui est inférieur aux autres formes de lymphomes. L'une des hypothèses serait le mauvais passage de la barrière hémato-méningée par les molécules chimiothérapeutiques. L'utilisation de corticoïdes seuls ne permet pas une rémission complète dans d'aussi bonnes proportions. La radiothérapie peut également être employée comme traitement adjuvant sur la moelle épinière. En médecine humaine, elle constitue un traitement de choix pour réduire la masse tumorale. Toutefois, peu de données existent sur son utilisation seule chez le chat.

Les affections médullaires inflammatoires sont la PIF et la toxoplasmose

La forme sèche de la péritonite infectieuse féline (PIF) peut provoquer une réaction inflammatoire importante au niveau des méninges, de l'épendyme et des plexus choroïdiens. Cela est lié au caractère épithéliotrope du virus. Des signes nerveux sont rencontrés dans environ 10 % des cas de PIF.

Les chats atteints sont en général jeunes (moins de deux ans) et issus d'élevages. Les signes cliniques les plus fréquents sont une fièvre associée à des douleurs diffuses le long de la colonne vertébrale et une parésie/paralysie. Des déficits proprioceptifs peuvent être mis en évidence, mais de manière non systématique. Ces signes cliniques ont pu précédemment rétrocéder, de façon temporaire, suite à des traitements à base d'anti-inflammatoires stéroïdiens. Des lésions de l'encéphale sont également observées. Elles se manifestent par des atteintes vestibulaires le plus souvent.

Le diagnostic repose sur l'analyse du liquide cérébrospinal (la protéinorachie est alors particulièrement élevée, souvent supérieure à 1 g/l, associée à une pléocytose mixte ou majoritairement polynucléaire). Le diagnostic de certitude est obtenu par PCR ou par immunofluorescence indirecte sur le liquide. Comme pour les autres manifestations de la PIF, il n'existe pas de traitement efficace.

La toxoplasmose à T. gondii peut être à l'origine d'une méningo-encéphalite non suppurative et/ou d'une myélopathie. Elle peut être associée à une atteinte par le FeLV ou le FIV. Les signes nerveux observés sont des manifestations épileptiformes, de l'ataxie et de la paralysie. Dans certains cas, des signes généraux d'infection sont associés, comme la fièvre, des douleurs musculaires, des gastro-entérites, des pneumonies, des uvéites ou de la polyadénomégalie.

Le diagnostic de toxoplasmose repose sur plusieurs éléments parmi lesquels des signes cliniques compatibles avec cette maladie, une séropositivité en IgM ou une PCR positive (réalisée sur le liquide cérébro-spinal ou l'humeur aqueuse par exemple) et une réponse positive au traitement.

Lors d'un dépistage sérologique, il est recommandé de demander le dosage des IgG et des IgM. Une positivité en IgG indique seulement une exposition à T. gondii, ce qui est courant compte tenu de la prévalence de la maladie. Mais cela n'indique pas une infection active. En revanche, des titres sériques élevés en IgM (plus de 1/256) sont rencontrés lors d'infection active. Un suivi des titres en anticorps après trois semaines permet de préciser le diagnostic.

La sécrétion d'ookystes dans les selles, donc la contagiosité, sont courtes, en général une à deux semaines après l'infection seulement. Le traitement est à base de clindamycine administrée à la dose de 25 mg/kg, divisée en deux prises quotidiennes pendant un mois au minimum.

La thrombo-embolie aortique est associée à une cardiopathie dans la moitié des cas

La trombo-embolie aortique est une cause courante de monoparésie/plégie ou d'hémiparésie/plagie, en particulier chez le mâle (75 %). Dans la moitié des cas, une affection cardiaque sous-jacente est retrouvée, mais seulement 23 % des chats présentent une cardiopathie diagnostiquée avant l'épisode d'embolie. Même si elle peut être associée à toutes les cardiomyopathies, la thrombo-embolie aortique semble plus fréquente lors de cardiomyopathie hypertrophique. L'âge moyen des chats qui en souffrent est de huit ans et demi. L'apparition de la paralysie est aiguë et souvent associée à une douleur importante. Une étude rétrospective semble montrer un risque accru de développement d'une embolie à la suite d'une sédation/anesthésie, susceptible de précipiter une décompensation de l'affection cardiaque (voir bibliographie 5).

Le diagnostic se fait par palpation du pouls fémoral (qui peut être d'intensité diminuée ou totalement absent) et par une auscultation cardiaque complète. L'examen nerveux révèle une présentation de type moto-neurone périphérique (MNP) du ou des postérieurs atteints, avec ou sans lésion de la queue. Une incontinence urinaire et/ou fécale peut être rencontrée. Les examens complémentaires à mettre en œuvre comprennent un Doppler des postérieurs pour rechercher la présence ou l'absence de pouls, des radiographies thoraciques, une échocardiographie et une échographie abdominale pour tenter de visualiser la trifurcation aortique et les artères rénales. Les valeurs biochimiques rénales doivent aussi être contrôlées. Une étude électrodiagnostique peut être réalisée, mais seulement après la stabilisation de l'animal.

Le traitement comprend une prise en charge de l'insuffisance cardiaque congestive le cas échéant (oxygénothérapie, diurétique, trinitrine, inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, inhibiteur des canaux calciques) et de la douleur (morphine, fentanyl). L'acépromazine peut être utilisée pour son action vasodilatatrice périphérique. La cyproheptadine (antagoniste de la sérotonine) limite les lésions secondaires de l'embolie. Une fluidothérapie adaptée est à mettre en place en cas d'hyper-urémie. Un traitement anticoagulant est à instaurer en urgence et doit être poursuivi pour limiter les récidives. L'héparine est préconisée lors de l'hospitalisation (injectable), alors que l'aspirine ou la warfarine (per os) sont à administrer ensuite pour limiter les rechutes. Il n'existe pas de différence de médiane de survie (environ six mois) d'après le médicament utilisé. Le risque de récidive varie de 20 à 40 % selon les études.

Le taux de survie est inférieur à 40 %, la moitié des décès survenant au cours de l'épisode embolique, alors que l'autre moitié des animaux sont euthanasiés en l'absence de récupération. Le pronostic est beaucoup plus favorable lors de thrombo-embolie partielle qu'en cas de thrombo-embolie complète.

La hernie discale est rare chez le chat, mais il est possible de la rencontrer

La fréquence des affections discales chez le chat est bien inférieure à celle enregistrée chez le chien. Elle s'élève de 0,02 % à 0,12 %. L'âge moyen d'apparition est de sept ans. Les principales localisations sont la région thoraco-lombaire (T11 à L2, dans environ la moitié des cas), suivie de L4-L5. Les signes enregistrés vont de la parésie à la plégie, avec l'absence de nociception. Ils engendrent un syndrome algique important qui peut se manifester par un comportement agressif. Dans certains cas, il est possible qu'une constipation accompagne les signes locomoteurs.

Le diagnostic de certitude est obtenu par la myélographie, la tomodensitométrie ou la résonance magnétique. Pour ces deux derniers examens, la résolution n'est pas toujours suffisante compte tenu du faible diamètre de la moelle épinière.

Le traitement consiste en une hémilaminectomie ou une laminectomie dorsale selon les espaces intervertébraux concernés. Dans plus de 80 % des cas, les hernies discales du chat sont dues à une dégénérescence fibroïde. Bien que son incidence soit faible, la hernie discale doit être prise en considération dans le diagnostic différentiel lors de signes de paralysie chez le chat adulte.

D'autres processus néoplasiques peuvent être à l'origine de paralysie chez le chat, notamment les gliomes intramédullaires. Un cas de médulloblastome a également été décrit. Ces tumeurs sont beaucoup moins fréquentes que le lymphome médullaire. En outre, l'embolie fibrocartilagineuse a été décrite chez le chat, mais elle demeure particulièrement rare.

CONFÉRENCIER

Sébastien Behr, praticien à la clinique Frégis (Arcueil, Val-de-Marne), résident en neurologie (European College of Veterinary Neurology).

D’après les conférences « Diagnostic différentiel du chat paralysé : vasculaire, inflammatoire ou néoplasique ? » et « Des tumeurs et compressions traumatiques à traiter plutôt que des hernies discales », présentées devant le Groupe d’étude en neurologie au siège de l’Afvac, le 10 octobre 2003.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - R. A. LeCouteur : « Spinal cord disorders, » J. of Feline Med. and Surg., 2003, n° 5, pp. 121-131.
  • 2 - S. Grasmueck et F. Steffen : « Survival rates and outcomes in cats with thoracic and lumbar spinal cord injuries due to external trauma, » J. Small Anim. Pract., 2004, n°45, pp. 284-288.
  • 3 - S.B. Lane et coll. : « Feline spinal lymphomsarcoma : a retrospective study of 23 cats, » J. of Vet. Intern. Med., 1994, n° 8, pp. 99-104.
  • 4 - G.J. Spodnick et coll. : « Spinal lymphoma in cats : 21 cases (1976-1989), » Javma, 1992, n° 200, pp. 373-376.
  • 5 - J.P. Schoeman : « Feline distal aortic thrombo-embolism : a review of 44 cases (1990-1998), » J. of Feline Med. and Surg., 1999, n° 1, pp. 221-231.
  • 6 - R.M. Rayward : « Feline intervertebral disc disease : a review of the litterature, » Vet. Comp. Orthop. Traumatol., 2002, n° 15, pp. 137-144.
  • 7 - Neurologie clinique du chien et du chat, L. Cauzinille, éditions du Point Vétérinaire, 2003.
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