La profession se prépare à l'arrivée de la fièvre catarrhale ovine sur le continent - La Semaine Vétérinaire n° 1192 du 03/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1192 du 03/09/2005

Maladie à déclaration obligatoire

Formation continue

Rurale

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Un syndrome fébrile, un œdème de la face, un jetage, un ptyalisme et de la mortalité sont les signes d'alerte de cette arbovirose.

Les autorités sanitaires craignent l'arrivée de la fièvre catarrhale ovine en France continentale. Il s'agit d'ailleurs du thème retenu pour le prochain cycle de formation des vétérinaires sanitaires (voir encadré en page 46). Cette maladie est une arbovirose due à un virus de la famille des Reoviridae et du genre Orbivirus. Elle est transmise par des moucherons du genre Culicoides, notamment C. imicola en Europe. Quelques spécimens ont été détectés en France continentale en 2003. Puis une population permanente de l'insecte a été mise en évidence dans le Var, en 2004. Aucun cas de fièvre catarrhale ovine n'est enregistré en France continentale, mais l'affection a été détectée en Andalousie et dans la région de Madrid, fin 2004 (voir carte en page 48).

La fièvre catarrhale ovine est inscrite sur la listeA de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Il s'agit d'une maladie à déclaration obligatoire. Bovins, ovins et caprins sont des espèces sensibles. L'infection se manifeste principalement chez les ovins, avec des taux de mortalité de 2 à 20 %. Chez les bovins et les caprins, seule une hyperthermie transitoire peut être observée. Les bovins jouent le rôle de réservoir.

L'infection se traduit en premier lieu par une forte hyperthermie et de l'abattement

La morbidité peut atteindre 80 %, voire davantage dans les troupeaux où les animaux sont mal entretenus (mal nourris et/ou mal abreuvés). La durée moyenne d'incubation de la maladie est de six à sept jours, avec des extrêmes de deux à dix-huit jours.

Une forte hyperthermie est d'abord observée (jusqu'à 42 °C) pendant deux à trois jours. L'animal est abattu. Apparaît ensuite une congestion des muqueuses buccale (voir photo 1) et pituitaire, accompagnée d'un jetage séromuqueux abondant et d'une intense sialorrhée. Des hémorragies buccales sont visibles. Les lèvres, l'auge, la langue et parfois l'ensemble de la tête, voire le fanon sont œdémateux (voir photo 2), de même que les parties déclives du corps de l'animal. La cyanose de la langue, qui a donné son nom à la maladie (blue tongue), n'est pas constante (voir photo 3).

Le jetage séromuqueux sèche. Il est à l'origine de croûtes qui laissent ensuite apparaître des crevasses. La congestion de la muqueuse buccale évolue vers l'ulcération et la nécrose. Parallèlement, l'animal malade développe parfois une fatigue musculaire, des arthrites. Le bourrelet coronaire des onglons est une autre zone lésée, avec la présence d'une congestion puis d'une ulcération (voir photo 4). Les animaux ont du mal à se tenir debout. Une myosite dégénérative entraîne une raideur des mem­bres, un torticolis, une voussure du dos et une fonte musculaire spectaculaire. Très rarement, la congestion cutanée peut se généraliser et occasionner une chute de la laine en quelques semaines. Certains animaux peuvent mourir deux à trois jours après l'apparition des signes cliniques. Si l'animal résiste, la convalescence commence vers le 15e jour. Des complications telles que de la toux ou de la diarrhée sanguinolente peuvent être observées. Des avortements ont également été rapportés, notamment lors de la dernière épidémie de fièvre catarrhale en Corse, à l'automne 2004.

Généralement, les formes graves de la maladie ne sont observées que chez les animaux qui vivent dans des régions contaminées pour la première fois ou chez des races améliorées. Les lésions relevées sont de type hémorragique : poumons, reins, rate, vessie, utérus. Les lésions pathognomoniques de l'affection sont des hémorragies sur l'intima de la veine cave postérieure.

Le vecteur de la maladie devient abondant après les périodes chaudes et pluvieuses

La fièvre catarrhale ovine est observée entre le 35e parallèle Sud et le 40e parallèle Nord. Vingt-quatre sérotypes du virus sont identifiés à ce jour. Dans le bassin méditerranéen, les sérotypes 1, 2, 4, 9 et 16 ont été mis en évidence. L'extension de l'arbovirose, observée depuis plusieurs années, est liée à celle de son vecteur, C. imicola, d'origine afro-asiatique. Seules les femelles adultes se nourrissent de sang. Elles vivent environ de deux semaines à deux mois au maximum. Elles volent surtout le soir et la nuit, de préférence lorsque la température se situe entre 18 et 30 °C. L'humidité et le vent sont également des facteurs importants pour leur développement. C. imicola devient abondant après les périodes chaudes et pluvieuses (à la fin du printemps, ainsi qu'à la fin de l'été et au début de l'automne). L'espèce ne se disperse pas au-delà de quelques centaines de mètres par ses propres mouvements. La remontée de C. imicola en Méditerranée est due aux vents du Sud, l'espèce profitant de conditions climatiques favorables pour s'installer durablement. La fièvre catarrhale ovine est apparue pour la première fois en France en 2000, sur l'île de Corse. Le virus isolé était de sérotype 2.

Une prophylaxie médicale a été mise en œuvre chez les ovins et des plans de surveillance clinique, sérologique et entomologique ont été instaurés dans l'île et sur le littoral méditerranéen français.

La campagne de vaccination a mis en évidence l'absolue nécessité de conserver les vaccins à + 4 °C pour maintenir leur efficacité. La surveillance de C. imicola, par piégeage, a montré que cette espèce est installée durablement sur l'île, principalement dans le sud et sur les côtes, et que la densité de ses populations atteint un maximum en septembre-octobre.

Le danger d'installation du virus est élevé, même sans réchauffement climatique

Un éventuel réchauffement climatique pourrait accélérer l'extension de l'aire de répartition de C. imicola et donc celle de l'arbovirose. Suite à la canicule de 2003, la Direction générale de l'alimentation (DGAL) a chargé l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) d'évaluer « le risque d'apparition et de développement de maladies animales compte tenu d'un éventuel réchauffement climatique », via une saisine datée du 3 septembre 2003. Le rapport de l'Afssa a été publié le 11 avril dernier. Six affections sont pointées du doigt, dont la fièvre catarrhale ovine. Elles sont à surveiller en priorité « compte tenu des éventuelles répercussions sanitaires et économiques de leur développement », explique l'Agence. Le groupe d'experts estime qu'il s'agit des maladies les plus susceptibles d'être affectées par les modifications climatiques. « La réalité du changement climatique, dans le sens d'un réchauffement global, est maintenant admise, même si la façon dont les choses vont se passer et la rapidité avec laquelle elles peuvent se produire ne sont pas encore connues dans le détail. »

Des études de simulation des conditions favorables à l'installation du vecteur de l'infection en Europe, C. imicola, ont été réalisées. « Fondées sur l'intégration de près de vingt variables, dont certaines liées au climat, elles montrent que le vecteur pourrait théoriquement trouver un biotope favorable à son installation dans plusieurs zones du sud de la France continentale. Sans préjuger de l'effet d'un éventuel changement climatique, le risque de voir le vecteur et le virus parvenir jusqu'en France continentale et s'y installer durablement est donc très élevé », estiment les experts. Au final, ils jugent que le danger d'introduction et d'installation du vecteur et du virus dans les grands bassins de production de moutons du sud du pays peut être considéré comme élevé. « Une hausse moyenne de la température ou de l'hygrométrie ne fera que l'accentuer. »

Une surveillance sérologique renforcée dans le sud de la France.

La fièvre catarrhale ovine est considérée comme une menace sanitaire importante par les experts, en raison de son incidence clinique dans les cheptels ovins et des pertes économiques qu'elle provoque. Ces dernières sont liées aux contraintes imposées au niveau des échanges régionaux et internationaux. Dans les conclusions de son évaluation, l'Afssa recommande notamment de renforcer la surveillance clinique, sérologique et entomologique de la maladie et de mettre au point un vaccin efficace contre tous les sérotypes du virus présents dans le bassin méditerranéen, disposant en outre d'une marque sérologique qui permette de différencier les animauxvaccinés des animaux infectés. Deux techniques de diagnostic sérologique sont recommandées par l'OIE : l'Elisa de compétition et l'immunodiffusion en gélose. Un diagnostic virologique est également réalisable. Il s'agit du diagnostic de certitude de la maladie, fondé sur l'identification du génome viral. Chez l'animal vivant, il nécessite le prélèvement de 10 ml de sang sur anticoagulant (EDTA) pendant la phase d'hyperthermie. Pour un cadavre frais, il est possible de prélever des lésions hémorragiques sur la rate, le cœur, les reins et/ou les ganglions lymphatiques.

Trois départements français font actuellement l'objet d'une surveillance sérologique renforcée vis-à-vis de la fièvre catarrhale ovine, jusqu'en novembre prochain : les Alpes-Maritimes, les Pyrénées Orientales et le Var. Cette décision fait suite à l'apparition de foyers de l'affection en Espagne et au Portugal en 2004, ainsi qu'à l'identification de populations autochtones du vecteur majeur, C. imicola, dans le Var.

Des prélèvements sont organisés par les Directions départementales des services vétérinaires dans des élevages sentinelles (cinq cheptels par départements), retenus selon leur localisation dans un secteur favorable à l'implantation de C. imicola. Dix animaux (bovins, ovins ou caprins) par cheptel font l'objet de prélèvements, sur un rythme mensuel. Les 150 prélèvements réalisés en mai et les 150 effectués en juin 2005 se sont révélés négatifs.

Une formation « fièvre catarrhale » prévue à la rentrée

La fièvre catarrhale ovine est le thème retenu pour le prochain cycle de formation des vétérinaires sanitaires. L'opération pilote 2005 aura lieu dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Aquitaine, des zones favorables à l'installation du vecteur de l'arbovirose, Culicoides imicola. Elle concerne les praticiens qui exercent une activité ovine et devrait débuter ce mois-ci. Quatre formateurs de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) ont été formés par des experts de cette arbovirose. Ensuite, ils feront part de leurs connaissances aux praticiens du sud de la France, en collaboration avec un représentant de l'administration. Les vétérinaires sanitaires seront indemnisés pour le temps passé à la formation et le déplacement, à hauteur de 10 AMO plus 1/15e d'AMO par kilomètre parcouru. Cette action sera l'occasion de tester de façon opérationnelle le dispositif avant de le généraliser.

Dès 2006, d'autres thèmes devraient être abordés : fièvre aphteuse, pestes porcines, pestes aviaires.

J.-P. G.
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