Il est indispensable de prévenir l'hypothermie périopératoire - La Semaine Vétérinaire n° 1192 du 03/09/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1192 du 03/09/2005

Pertes caloriques associées aux interventions chirurgicales

Formation continue

Animaux de compagnie

Auteur(s) : Isabelle Goujon

Ce phénomène fréquent est considéré à tort comme normal, voire inévitable au cours des interventions chirurgicales de courte, moyenne et surtout longues durées.

Les mammifères sont des animaux dits homéothermes : la constance de leur température corporelle leur a permis de coloniser pratiquement tous les milieux terrestres. L'homéothermie s'oppose à la poïkilothermie, qui caractérise les reptiles. Ces derniers sont incapables de maintenir leur température corporelle stable et « captent” la chaleur extérieure.

La température moyenne des animaux de compagnie est de 38,9°C, aussi bien chez le chien (de 37,9 à 39,9°C) que chez le chat, « ce qui diffère de la valeur de 38,5 °C traditionnellement mémorisée », souligne notre confrère Jack-Yves Deschamps. Cette stabilité thermique est permise par le maintien d'un équilibre constant entre thermolyse et thermogenèse. Cette dernière dépend du catabolisme. Elle repose sur le “brûlage” des lipides et des glucides, phénomène qui induit la production de chaleur. Pour sa part, la thermolyse consiste en une perte de chaleur fondée sur la coexistence de quatre facteurs :

- la conduction, qui se réalise au contact d'une surface froide ;

- la convection, qui repose sur le mouvement d'un fluide à la surface du corps ;

- la radiation, qui provient du rayonnement infrarouge et reste relativement peu intense ;

- l'évaporation.

La thermolyse engendre une perte de calories, particulièrement présente au cours d'une intervention chirurgicale. En effet, le contact de l'animal avec la surface froide de la table métallique provoque des phénomènes de conduction, la convection résulte des courants d'air et, éventuellement, des mouvements d'eau (rinçages) péri­opératoires. L'évaporation est intense, notamment par la gueule de l'animal et lorsque les viscères sont largement exposés à l'air libre.

La thermorégulation intervient alors pour réguler les mouvements de chaleur. Des récepteurs cutanés, qui sont en fait les terminaisons nerveuses de certaines fibres Ad (pour le froid) et C (pour la chaleur), permettent la thermoréception. « Ce sont les mêmes que pour la douleur, remarque Jack-Yves Deschamps. Leur fonctionnement fait aussi intervenir une notion de seuil. » L'acheminement de l'information emprunte ensuite des voies ascendantes qui permettent l'intégration cérébrale des stimuli jusqu'à l'hypothalamus, véritable “thermostat” de l'organisme. Des réactions comportementales puis physiologiques peuvent alors se mettre en place et autoriser ou éviter, selon les circonstances, les pertes de calories.

Il existe plusieurs mécanismes naturels de lutte contre l'hypothermie

L'un des principaux mécanismes physiologiques de lutte contre l'hypothermie est la vaso­constriction cutanée. Elle est obtenue par la mise en place de shunts artério-veineux périphériques et peut permettre une diminution des pertes cutanées allant jusqu'à 25 %. Elle induit alors l'apparition d'une différence de température de 4°C entre le centre du corps et les extrémités.

Le déclenchement des frissons constitue également un mécanisme de thermogenèse. Les contractions musculaires brûlent des calories et consomment de l'oxygène pour produire de la chaleur. Toutefois, ce phénomène n'est que peu durable et épuise l'organisme.

Par le redressement des poils, l'horripilation favorise la création d'un micro-environnement autour de la peau et participe ainsi à l'épargne calorique.

Cependant, malgré leur relative efficacité, ces manifestations ne permettent pas à l'animal de faire face aux pertes caloriques associées à une intervention chirurgicale. Une politique rigoureuse de maintien de la température corporelle s'impose alors.

Trois catégories d'animauxsont particulièrement prédisposées

La prévention de l'hypothermie est comparable à la prise en charge de la douleur. Elle est souvent négligée, car elle occasionne un surcroît de travail. Elle est en outre considérée comme non indispensable. Toutefois, elle optimise incontestablement le pronostic associé à la réalisation d'une intervention chirurgicale, même bénigne.

L'hypothermie comporte de nombreux effets délétères. En médecine humaine, elle augmente notamment la fréquence des transfusions, la durée d'hospitalisation et le temps des séjours en soins intensifs. Ces statistiques ont suscité un accroissement considérable de la prise en charge de l'hypothermie dans les hôpitaux. Malgré cette prise de conscience, il n'est sans doute pas abusif de penser que 100 % des animaux opérés souffrent d'hypothermie en milieu vétérinaire...

Lors de l'anesthésie, la thermogenèse est diminuée, notamment par l'arrêt de l'activité musculaire (mouvements et frissons). Trois phases interviennent alors. Au cours de la première heure d'anesthésie, la redistribution de la chaleur implique la vasoconstriction périphérique et aboutit à une baisse rapide d'un degré de la température corporelle. Entre la première et la quatrième heure, ce mécanisme est dépassé et l'animal perd des calories. Lorsque sa température n'est plus que de 32°C environ, d'autres effets protecteurs se mettent en place et conduisent à une relative stabilisation.

Trois catégories d'animaux sont prédisposées à l'hypothermie :

- les nouveau-nés ;

- les animaux très jeunes ou de petite taille ;

- les animaux douchés avant l'intervention (mouillés).

D'autres facteurs constituent également des éléments favorisants. Il s'agit par exemple de la température ambiante et de l'aération du bloc chirurgical, du contact de l'animal avec une surface froide, de la réalisation d'une tonte large, de la désinfection cutanée, des perfusions froides, de l'exposition des viscères ou encore des irrigations peropératoires.

L'air pulsé chauffé fait partie des techniques les plus intéressantes

Face au risque d'hypothermie pendant une intervention, il existe des méthodes de réchauffement passif (couverture et chauffage de la pièce) et actif (mise en place d'alèses et de tapis chauffants qui isolent systématiquement l'animal de toute surface froide, séchage rigoureux des animaux mouillés).

L'emploi de bouillottes se révèle délicat (elles se refroidissent rapidement, puis l'animal les réchauffe). Pour leur part, les couvertures de survie n'ont pas prouvé leur efficacité. Quant aux lampes chauffantes, il convient de les utiliser avec la plus grande précaution, car elles sont fréquemment responsables de graves brûlures. En outre, les couveuses ne permettent pas toujours une ventilation optimale.

Parmi les techniques les plus intéressantes figurent le chauffage des solutés de perfusion (à condition de disposer de tubulures spéciales, “isolantes”) et l'air pulsé chauffé distribué dans une couverture perforée. Ce dispositif, disponible chez de nombreux distributeurs, peut être aisément placé sous l'animal au cours de l'intervention chirurgicale, et au-dessus pendant le réveil. Il permet un réchauffement progressif (1°C par heure) et constitue un moyen simple et pratique de lutter contre l'hypothermie.

 L'hypothermie est facile à combattre , souligne Jack-Yves Deschamps. Les méthodes qui font appel à l'air pulsé constituent un moyen d'action incontournable. Elles permettentune incontestable amélioration des conditions de survie et de récupération des animaux opérés.

CONFÉRENCIER

Jack-Yves Deschamps, maître de conférences en pathologie médicale des équidés et des carnivores domestiques à l'ENV de Nantes.

D'après une conférence sur la réani­mation périopératoire présentée lors du congrès du Groupe d'étude en chirurgie (GEC) et du Groupe d'étude en urgence-réanimation (GEUR) de l'Afvac, organisé à l'île de Ré du 31 mars au 2 avril 2005.

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