Les coliques du cheval - Ma revue n° 1590 du 01/06/2014 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 1590 du 01/06/2014

Formation

MÉDECINE ÉQUINE

Auteur(s) : Pierre Leveillard

Fonctions : docteur vétérinaire, ancien chargé de cours au Gipsa

CONTEXTE

– Les propriétaires et les vétérinaires redoutent l’apparition de coliques chez les équidés. Ils savent qu’elles comportent un facteur de risque non négligeable, qu’elles sont en général urgentes, et que le cheval est un animal particulièrement prédisposé et sensible aux affections qui en sont la cause. Certains cas sont mortels en quelques heures chez cette espèce.

Un cheval en coliques représente une urgen­ce. Selon une formule de mise en situation, cet article propose d’écouter les questions du client, de donner un avis scientifique sur le sujet évo­qué et de présenter une réponse possible de l’auxiliaire vétérinaire.

LE SYNDROME “COLIQUES”

« Ma jument pleine est à terme. Pouvez-vous venir immédiatement ? Elle fait des coliques urinaires. »

Le mot “colique” ne désigne pas une maladie mais un syndrome, c’est-à-dire un ensemble de symptômes. Les chevaux réagissent violemment à la perception d’une douleur d’origine abdominale. Les prodromes de l’accouchement sont des manifestations de coliques dues aux contractions utérines, qui sont douloureuses. Une origine urinaire est fréquemment suspectée. À tort, car elle n’est que l’un des symptômes. La douleur provoque, en effet, une retenue d’urine par la contraction des sphincters. Sa levée est bien connue comme un signe d’amélioration. Il ne faut pas confondre la cause et la conséquence. Les juments pleines non à terme peuvent être victimes de douleurs liées au poids de l’utérus sur les intestins, ce qui constitue une cause bénigne. Cependant, elles sont aussi susceptibles de souffrir de troubles plus graves qui frappent les chevaux non reproducteurs.

→ L’ASV doit donc s’enquérir rapidement de la date du terme de la jument, de l’éventuelle perte de lait ou d’eaux fœtales, de la gravité des symptômes (qui traduisent partiellement l’intensité de la douleur) et de quelques indicateurs décrits ci-après, avant d’en référer au praticien.

DES SYMPTÔMES INQUIÉTANTS

« Mon poulain de 2 ans se jette contre les murs. Il va mourir de ses coliques si on ne fait pas quelque chose rapidement ! »

La perte totale ou partielle de l’instinct de conservation signe effectivement une douleur intense, réelle ou ressentie, qui est à mettre en relation avec le caractère de l’animal et son âge. Les races de sang et les jeunes chevaux, non foals, plus anxieux, manifestent celle-ci plus violemment. Le propriétaire décrit aussi les symptômes à sa manière. Il convient d’en tenir compte.

L’anxiété, le grattage du sol, le coucher-relever répété, l’agitation ou, au contraire, le maintien couché en “self-auscultation” sont les symptômes les plus fréquents. La transpiration est le premier signe de gravité et permet à l’auxiliaire de mesurer l’urgence. Puis viennent les manifestations inquiétantes : la position en chien assis, les chutes violentes, la rotation de la tête. Il convient alors de recommander de s’écarter de l’animal, qui peut devenir dangereux.

→ L’ASV doit rassurer le client : la violence des manifestations n’est pas toujours liée à la gravité de la cause. Cependant, une intervention urgente du vétérinaire s’impose et est déclenchée immédiatement.

LES COLIQUES D’ORIGINE ALIMENTAIRE

« J’ai un vieux cheval de 25 ans qui n’a plus de dents. Il est en coliques depuis deux jours… »

Ce propriétaire a raison : l’alimentation et la digestion sont des causes fréquentes de coliques. Il semble avoir pris la mesure de la gravité (modérée), puisqu’il attend deux jours pour appeler. Chez les chevaux qui vivent en box, l’alimentation est certainement la cause la plus courante. Tout changement de nourriture brutal – un défaut d’approvisionnement (foin ou eau), une modification de litière (du copeau à la paille), un lâcher à l’herbe ou un vol de la part d’un animal échappé – est le motif probable de coliques.

→ L’ASV analyse le degré de compétence du client (certains croient encore qu’il est possible de remplacer le foin par de l’avoine ou de l’orge !), l’importance du déséquilibre (un poney qui a volé et mangé 20 kg d’orge est en danger de mort), et conseille utilement les débutants sur les grands principes de l’alimentation dans l’espèce équine.

LES COLIQUES PARASITAIRES

« J’ai trouvé des ascaris morts dans les fèces du foal que le vétérinaire m’avait dit de vermifuger. Cela explique-t-il les épisodes de coliques qu’il a présentés par deux fois ? »

Le vétérinaire a probablement prescrit cette vermifugation pour cette raison. Le parasitisme intestinal est, chez les chevaux qui vivent à l’extérieur, la cause la plus fréquente de coliques. De nombreuses espèces de parasites sont impliquées (ténia, strongles). Un plan de lutte antiparasitaire est le moyen de réduire significativement le nombre de cas de coliques dans un établissement sur une année.

→ L’auxiliaire conseille sa mise en place dans les élevages peu ou mal suivis, ou pour ceux qui présentent un taux de coliques élevé, c’est-à-dire lorsque plus de 10 % des chevaux sont atteints par un épisode au minimum au cours de leur vie.

EN ATTENDANT LE VÉTÉRINAIRE

« Mon cheval est en coliques. Que faire en attendant l’arrivée du vétérinaire ? »

L’évaluation de plusieurs fonctions vitales est à la portée des propriétaires et peut leur être conseillée (voir encadré ci-dessous). En revanche, sur le plan thérapeutique, rares sont les vétérinaires qui laissent à leur client une “trousse d’urgence coliques” et il conviendra de se référer à la prescription du praticien.

→ L’ASV recommande la mise à la diète hydrique (supprimer l’aliment, mais laisser l’eau), en attendant la venue du vétérinaire. C’est une sage mesure. Le transport en van ou la marche au pas ne sont contre-indiqués que s’il y a un risque que le cheval se blesse en se couchant brutalement.

RESTER DISPONIBLE

« Je suis obligé de partir. Faut-il quelqu’un pour tenir le cheval en coliques que le vétérinaire doit venir soigner cet après-midi ? »

Bien entendu, un aide, au minimum, est nécessaire. En effet, selon la gravité et la difficulté d’établir le diagnostic, le praticien est susceptible de réaliser de nombreux examens complémentaires. Outre l’examen clinique (qui reprend notamment les gestes évoqués pré­cédemment pour évaluer les fonctions vitales), le vétérinaire a souvent recours à l’exploration rectale, au sondage naso-gastrique, voire à l’endoscopie gastrique, à l’échographie trans­abdominale, au prélèvement de liquide abdominal, à la prise de sang, etc. Seul, il n’est pas en mesure d’effectuer ces examens, surtout sur un animal agité et en souffrance.

→ L’ASV préconise le maintien à disposition d’une personne compétente au minimum, capable de joindre le propriétaire à tout moment ou habilitée à prendre les décisions. D’autant plus que la surveillance rapprochée de l’animal malade s’impose, ne serait-ce que pour enregistrer l’évolution des symptômes.

LE TRAITEMENT MÉDICAL

« En dehors des antispasmodiques, il n’y a pas grand-chose à faire pour soigner un cheval à coliques… »

Évidemment si ! Il est exact que les antispasmodiques, les sédatifs, les tranquillisants, parfois les analgésiques et les anti-inflammatoires, sont souvent utilisés en première intention pour soigner et examiner un cheval atteint de coliques et agité. Cependant, de nombreux autres traitements peuvent être mis en œuvre par le vétérinaire :

– la lutte contre la déshydratation par perfusion (ou per os si l’absorption digestive est bonne et efficace) est une priorité vitale. Les déséquilibres ioniques sont corrigés dans un second temps ;

– les médicaments à tropisme digestif (huile de paraffine, antiulcéreux, stimulants ou ralentisseurs du transit, etc.) se révèlent intéressants ;

– des anti-infectieux sont prescrits s’ils apparaissent nécessaires ;

– des interventions mécaniques diverses (vidange de l’estomac ou roulage lors de torsion) complètent éventuellement le traitement médical ;

– une éventuelle prise en charge chirurgicale, qui nécessite le consentement éclairé du propriétaire, ne se pratique que dans des structures spécialisées (exceptionnellement dans le box de l’animal).

→ L’ASV conseille au propriétaire d’avertir son assurance lors de gravité et de prévoir un moyen de transport s’il détecte qu’une solution chirurgicale est susceptible d’être retenue. En effet, si cette dernière se révèle nécessaire, il convient d’anticiper le transfert du cheval.

LE TRAITEMENT CHIRURGICAL

« Si mon cheval est atteint de coliques, je suis d’accord pour le soigner médicalement, mais je n’envisage pas l’intervention chirurgicale ! »

La question de la décision chirurgicale se pose souvent, en raison du coût élevé et des possibles complications précoces ou tardives, tandis que le traitement médical est systématiquement entrepris. Celui-ci est interrompu si nécessaire, si l’état du cheval se dégrade ou si le pronostic est trop pessimiste.

Statistiquement, 2 % des cas de coliques sont du ressort de la chirurgie (volvulus, hernie, etc.) selon les estimations. Leur diagnostic doit être aussi précoce que possible, afin de proposer le recours à la chirurgie au plus tôt après le début des symptômes. La majorité des publications établit une étroite relation entre une intervention précoce et un bon pronostic.

Dans les meilleures conditions, et selon l’affection dont souf­fre le cheval, le taux de survie à la suite de l’intervention chirurgicale varie de 60 à 90 % à court terme. À long terme, l’espérance de vie de ces équidés est raccourcie de 10 % par an environ, en raison des complications tardi­ves et des récidives.

Du point de vue des performances, une étude récente menée chez des chevaux de cour­se montre que les trois quarts des individus opérés peuvent courir de nouveau et gagner sensiblement autant que les congénères de la même génération et de la même qualité qui n’ont pas subi d’opération chirurgicale.

→ L’ASV conseille le propriétaire selon le coût de l’opération et l’espérance de conserver un cheval de bonne qualité quelques années de plus.

LES GESTES À INDIQUER AU PROPRIÉTAIRE

En attendant le vétérinaire, le propriétaire peut apprécier la gravité des coliques et leur évolution grâce à quelques gestes :

→ prendre la température (toute hyperthermie évolutive est en faveur d’une certaine gravité ou d’une complication infectieuse) ;

→ ausculter les bruits abdominaux à l’oreille (l’absence de tout bruit signifie un arrêt du transit digestif et sa reprise un début d’amélioration) ;

→ regarder la couleur des muqueuses (la coloration progressive de la muqueuse oculaire en violet, voire “lie-de-vin”, traduit une gravité certaine) ;

→ mesurer le temps de remplissage capillaire à la gencive supérieure (normalement inférieur à deux secondes, il s’allonge d’autant plus que le trouble circulatoire est important) ;

→ examiner les fèces, et repérer leur absence ou, au contraire, une diarrhée, ou encore une coloration, des substances anormales (la présence de sang est rare, celle de sable ou de bois est plus fréquente) ;

→ pour les plus expérimentés, prendre le pouls au maxillaire inférieur : toute élévation au-dessus de 60 battements par minute est alarmante. La fréquence respiratoire est plus facile à mesurer par le propriétaire, mais moins significative (valeur normale : 12 à 15 respirations par minute).

L’ESSENTIEL À RETENIR

→ Les coliques sont la hantise des propriétaires et un challenge pour les vétérinaires.

→ Une prise en main médicale rapide est impérative. Le choix de recourir ou non à la chirurgie, lorsqu’elle semble indiquée, est effectué au plus tôt.

→ Le transport est à mettre en œuvre au plus vite vers la structure de référence, même si l’intervention chirurgicale est parfois retardée ou évitée sur place.

→ La prévention est possible sur les grands effectifs grâce aux conseils en matière d’alimentation, de pratique d’élevage et de lutte contre le parasitisme que prodiguent le vétérinaire et l’auxiliaire.

→ L’objectif est bien de diminuer la fréquence d’apparition des coliques collectives, sans espoir de les éradiquer totalement au niveau individuel. Certaines causes restent purement individuelles et le cheval demeure l’animal le plus sensible à ce syndrome douloureux.

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