Les multiples parasites qui infestent les reptiles - Ma revue n° 114 du 23/11/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 114 du 23/11/2017

DOSSIER

Auteur(s) : PAR  SANDRINE COMBARET DOCTEUR VÉTÉRINAIRE, PRATICIENNE EN RÉGION PARISIENNE.  

Lézards, serpents et tortues sont régulièrement la cible de parasites. Sur la peau, ils sont généralement visibles et faciles à traiter. Les parasites internes sont plus insidieux et leurs conséquences cliniques souvent plus sérieuses.

En milieu naturel, les parasites des reptiles sont très nombreux, mais peu ou pas pathogènes. En captivité, en revanche, le stress induit par le transport, la surpopulation ou de mauvaises conditions environnementales favorise l’apparition de “parasitoses-maladies”. Un parasitisme important entraîne par ailleurs une baisse des défenses immunitaires du reptile, facilitant le développement d’autres affections.

Plusieurs parasites externes aux conséquences variées

Fréquents chez les reptiles, les parasites externes sont responsables d’irritations cutanées, de démangeaisons stressantes, de spoliation sanguine ou de la transmission d’agents pathogènes – parasites, virus ou bactéries (tableau).

Les lézards hébergent des tiques, dont le portage est généralement asymptomatique, et des aoûtats, qui provoquent d’intenses démangeaisons. Les larves (notamment du genre Trombicula), de couleur rouge orangé et visibles à l’œil nu, se fixent dans les replis de peau, autour de la base des membres, dans le cou et près de la base de la queue (photos 1 et 2). Elles provoquent des lésions cutanées plus ou moins graves en fonction de l’intensité du prurit. Et elles sont susceptibles d’effectuer leur cycle parasitaire dans le terrarium, en présence de végétaux.

Les serpents sont souvent porteurs d’un acarien hématophage (qui se nourrit de sang), Ophionyssus natricis. Ce parasite de 1 mm de long, de couleur rouge, grise ou noire, est très mobile ; il est donc parfois difficile à repérer. Il est très prolifique, la femelle pond à la fois sur les reptiles et dans le milieu extérieur pendant trois semaines. Il peut également transmettre des bactéries, des virus ou des parasites sanguins à son hôte. Il se localise préférentiellement sur la tête (sur la face ventrale où la peau est fine, près des tympans et des paupières), sous les écailles de la racine de la queue et autour du cloaque. Il est plus facile à voir sur une peau peu pigmentée (photo 3). En cas de prurit, l’animal se frotte contre les éléments du décor, ce qui peut générer des dermites croûteuses, et se baigne de façon prolongée. Les parasites sont parfois visibles dans le bol d’eau. Lors d’infestation massive, les serpents peuvent être léthargiques (anémie par spoliation sanguine) ou avoir des mues de mauvaise qualité. La présence de petits grains noirs sur les mains, après avoir manipulé un serpent, est un bon indicateur de la présence de l’acarien.

Les serpents prélevés dans la nature sont souvent porteurs de tiques, parfois difficiles à distinguer des écailles elles-mêmes.

Chez les tortues terrestres et les tortues-boites, les tiques se fixent dans les zones de peau fine des creux axillaires et inguinaux, des plis du cou, du pourtour des tympans ou des paupières. Parce qu’elles sont plus souvent hébergées à l’extérieur des maisons pendant les beaux jours, ces tortues peuvent aussi développer des lésions cutanées à la suite de piqûres de moustiques, de phlébotomes ou de taons. Les myiases sont un problème fréquent chez les tortues, peu mobiles, et les pontes de mouches sur des plaies cutanées, même minimes, peuvent être rapides. Elles se présentent sous la forme de plaies suintantes à la jonction entre la peau et la carapace, surtout sur la moitié postérieure du corps. Les larves de diptères migrent en profondeur dans les tissus sous-cutanés, créant des fistules multiples, parfois très profondes.

Chez les tortues aquatiques, les sangsues sont facilement reconnaissables et peuvent occasionner des blessures qui se surinfectent. Les algues parasites se développent sur la carapace, lui donnant un aspect gluant et une coloration verdâtre (photo 4). Enfin, les acariens du genre Cloacarus provoquent une irritation de la muqueuse cloacale, visible à l’otoscope, et se transmettent lors des accouplements.

Diagnostic et traitement sont souvent faciles

Le diagnostic de ces infestations ne présente généralement pas de difficulté particulière, car la plupart des parasites sont visibles à l’œil nu ou à la loupe. La diagnose définitive des parasites s’effectue, si besoin, par examen microscopique.

Le propriétaire peut éliminer lui-même certains parasites. Ainsi, les tiques se retirent avec une pince ou un crochet, comme sur les mammifères. La différence est que la tique se glisse entre les écailles pour se fixer au tégument. Les sangsues, une fois badigeonnées d’alcool à 70 °C ou de vinaigre, se détachent de la peau. Des bains d’eau salée pour les espèces d’eau douce (et inversement) provoquent leur chute spontanée. Une désinfection biquotidienne des plaies est nécessaire jusqu’à leur guérison complète. Les bassins doivent être nettoyés et traités (avec du sulfate de cuivre).

Pour les autres espèces, le traitement antiparasitaire, local (application de fipronil, par exemple) ou injectable (comme l’ivermectine), sera prescrit par le vétérinaire après diagnostic. Certains insecticides et acaricides, comme le carbaryl ou le dichlorvos, non disponibles sur le marché vétérinaire, mais utilisés par certains terrariophiles, sont de puissants neurotoxiques pour les reptiles, donc à utiliser avec prudence, que ce soit sur les animaux ou dans leur environnement.

Les myiases sont traitées chirurgicalement : curetage des plaies, élimination manuelle des asticots, suture et protection des plaies. Toute tortue blessée doit être placée à l’abri des insectes pour éviter les pontes de mouches.

Les tortues hébergeant des algues parasites sont isolées et traitées par des applications quotidiennes d’une solution de sulfate de cuivre.

Les parasitoses internes sont plus graves

Les affections parasitaires internes sont au troisième rang des maladies le plus souvent diagnostiquées chez les reptiles, derrière les troubles métaboliques et les maladies bactériennes. Elles représenteraient 30 % des causes de mortalité.

Des centaines d’espèces de parasites internes ont été recensées chez les reptiles, avec notamment des helminthes (vers parasites : ascaridés, oxyuridés), des protozoaires (comme les coccidies) et des hématozoaires (des parasites sanguins). Les parasites internes sont en majorité hébergés dans le tube digestif de leur hôte. Mais certains se localisent dans l’appareil urinaire ou respiratoire, dans l’épaisseur de la peau ou dans les globules rouges.

En fonction de leur localisation, ces endoparasites peuvent donc exercer sur leur hôte :

- une spoliation sanguine par hématophagie, et donc une anémie ;

- une spoliation alimentaire par prélèvement de nutriments dans le bol alimentaire, et donc des carences ;

- une obstruction mécanique du tube digestif, des canaux biliaires, des vaisseaux sanguins ou des bronches, toujours très grave ;

- une compression de certains tissus à cause de l’enkystement de larves ;

- une action mécanique traumatique des éléments de fixation des parasites adultes sur la muqueuse intestinale, ou lors de migration de larves dans l’organisme ;

- un affaiblissement des défenses immunitaires.

Les symptômes sont généralement peu spécifiques : léthargie, anorexie, perte de poids, régurgitations, diarrhées souvent chroniques et glaireuses, avec parfois du sang ou des parasites visibles à l’œil nu (photo 5), troubles de la croissance ou de la reproduction, troubles respiratoires.

Différentes voies d’infestation

Les vers parasites des reptiles ont, pour la plupart, des cycles parasitaires faisant intervenir au moins un autre hôte que le reptile. Il peut s’agir d’un hôte intermédiaire susceptible d’être une proie pour le reptile (insecte, rongeur ou grenouille, par exemple). Les infestations sont donc peu fréquentes en captivité où les reptiles consomment plutôt des aliments industriels ou des proies issues elles-mêmes d’élevage ; ce n’est pas le cas pour les tortues de jardin.

Les protozoaires, en revanche, ont des cycles parasitaires directs : l’infestation se produit par l’ingestion de proies ou d’eau souillées par les fèces d’un autre reptile parasité. Les ookystes infestants sont souvent assez résistants dans le milieu extérieur, ce qui facilite leur dissémination, sur des végétaux ou des accessoires.

Les parasites sanguins, de leur côté, sont le plus souvent inoculés aux reptiles par les parasites externes qu’ils hébergent, comme les tiques.

Apprendre à prélever des selles

Contrairement aux parasites externes, le diagnostic est obtenu par coproscopie (examen des selles), éventuellement par examen cytologique d’un frottis sanguin, sous microscope.

Un prélèvement de 20 à 30 g (l’équivalent d’une noix) de selles les plus fraîches possibles, récoltées sans urates (photo 6) et sans débris de substrat (pour cela, il suffit de mettre les animaux sur alèse ou papier absorbant), est réalisable à la maison par le propriétaire ou en cours de consultation. Il doit être conservé entre 0 et 4 °C pendant 3 jours au maximum.

L’analyse de selles est conseillée pour tous les reptiles “malades” en raison de l’absence de symptôme caractéristique et du fait que le parasitisme peut tuer ces animaux. Pour les reptiles “en bonne santé”, cet examen est conseillé :

- pour tout animal nouvellement acquis (ou qui n’a jamais eu de coproscopie) ;

- avant la mise à la reproduction, car il est plus simple de traiter deux individus qu’un élevage ;

- une fois par an, car certains parasites peuvent être transmis par les proies, les végétaux, l’eau. C’est un examen à recommander pour les tortues de jardin avant l’hivernation.

La vermifugation préventive est déconseillée

Étant donné la multiplicité des parasites internes, les vermifugations préventives ou à l’aveugle, demandées par certains propriétaires, sont inutiles, car il n’existe aucun vermifuge polyvalent actif à la fois sur les helminthes et sur les protozoaires. Par ailleurs, tout médicament a des effets secondaires potentiels, surtout sur un animal affaibli. Enfin, sans diagnostic préalable, il est impossible de contrôler si le traitement a été efficace.

Pour les reptiles détenus en captivité, la prévention des maladies parasitaires ou infectieuses est toutefois primordiale. Tout d’abord, il convient de respecter en permanence les facteurs d’ambiance requis pour chaque espèce : humidité, température, éclairage et régime alimentaire. Il est également indispensable de veiller à une hygiène rigoureuse des terrariums, des accessoires et du matériel de contention, et donc de concevoir une installation facile à nettoyer. La surpopulation et le mélange d’espèces différentes dans les terrariums doivent être évités. Enfin, chaque nouvel arrivant doit observer une quarantaine et subir un examen clinique.

RISQUE ZOONOTIQUE FAIBLE

Les parasitoses humaines d’origine reptilienne sont diagnostiquées presque uniquement en Asie du Sud-Est et en Afrique, où les mœurs et les coutumes culinaires favorisent leur transmission, par consommation de viande de reptile crue ou insuffisamment cuite.

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