Les palettes de couleurs du chat - Ma revue n° 101 du 08/09/2016 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 101 du 08/09/2016

DOSSIER

Auteur(s) : PAR  VALÉRIE DELTEIL-PRÉVOTAT DOCTEUR VÉTÉRINAIRE. 

Noir ou roux, chocolat ou lilas, agouti et non tiqueté, tabby plutôt que tigré… Les termes désignant les couleurs du pelage des chats sont précis. Il est utile de les connaître pour renseigner la fiche de l’animal, mais aussi se faire apprécier de son propriétaire amoureux des félins.

Comment nommer et ensuite prévoir les couleurs de robe chez un chat ? Depuis 2009, les appellations ont été uniformisées en France. Elles sont dorénavant les mêmes pour toutes les races de chats. C’est un domaine qui concerne rapidement tous les ASV dès qu’ils se retrouvent à devoir faire les fiches, carnets et autres documents officiels de tout nouveau chat qui arrive à la clinique, et encore plus les auxiliaires qui travaillent au contact d’éleveurs ou simplement de passionnés de chats de race. S’agissant de génétique (encadré ci-contre), cela peut paraître très compliqué de prime abord. Mais les fondamentaux sont tout à fait accessibles et les amoureux des félins seront toujours reconnaissants envers des interlocuteurs qui savent mettre le bon nom sur la couleur de leur animal.

14 couleurs de base

La robe des chats les distingue en fonction de la couleur de base de leurs poils, qui est contrôlée par plusieurs gènes. Les trois principaux sont les suivants :

- le gène B (black), dont il existe trois allèles : B, b et bl. L’allèle dominant, noté B, est responsable de la couleur noire et les chats porteurs seront alors dits noirs. L’allèle b est responsable de la couleur chocolat et l’allèle bl, de la couleur cinnamon (“cannelle” en anglais). B est dominant sur b et sur bl ; b est dominant sur bl.

- le gène D (dilution) et ses deux allèles D et d. Il est responsable de la dilution de la couleur de base qui donne, en fait, des couleurs plus claires. Le noir dilué est le bleu (ou blue, si associé à des termes anglais), le chocolat dilué est le lilas (ou lilac, si associé à des termes anglais) et le cinnamon dilué donne du fawn (qui signifie “faon” en anglais). Attention, l’allèle D, dominant, est responsable de l’absence de dilution. Les chats dilués sont donc porteurs de deux allèles récessifs dd.

- le gène O (orange), et ses deux allèles O et o, est porté par le chromosome sexuel X. L’allèle O, dominant, est responsable de la couleur rousse, qui peut alors masquer la couleur de base portée par le gène B. Les mâles n’ont qu’un seul chromosome X : s’ils portent l’allèle O, ils sont donc roux (ou red, si associé à des termes anglais) en couleur de base (leur gène B ne s’exprime pas). S’ils portent l’allèle récessif o, seul le gène B s’exprime. Les femelles ont deux chromosomes X. Si elles possèdent deux allèles O, elles sont rousses. S’il s’agit de deux allèles o, elles sont de la couleur déterminée par leur gène B. Si elles sont dotées d’un allèle de chaque (O et o), une partie de leurs poils exprime le roux et l’autre la couleur de leur gène B. Ce sont les femelles écaille de tortue : black tortie (si elles portent les allèles B-D-Oo), chocolate tortie (bb ou bbl-D-Oo) et cinnamon tortie (blbl-D-Oo).

Les chats et chattes roux porteurs de dilution (dd) sont crème. Les femelles écaille de tortue porteuses de dilution sont, selon leur gène B : blue tortie (B-dd-Oo, auparavant appelées bleu crème), lilac tortie (bb ou bbl-dd-Oo, auparavant lilas crème) ou fawn tortie (blbl-dd-Oo, auparavant fawn crème).

Pour que le pelage soit tortie, il faut une combinaison Oo, donc nécessairement deux chromosomes X : seules les femelles peuvent donc l’être. Quelques rares mâles tortie existent, mais ils n’ont pas une formule chromosomique normale pour un mâle (XXY, par exemple) : ils sont alors stériles.

Avec toutes les combinaisons possibles des allèles de ces trois gènes, il existe 14 couleurs de base, sur lesquelles viennent s’ajouter quelques déclinaisons.

Ambre : une mutation du norvégien

La mutation ambre entraîne une couleur évolutive de brun à roux au cours du temps. Elle n’est, pour le moment, identifiée de façon sûre que chez les chats de race norvégien, chez lesquels les couleurs chocolat/lilas et cinnamon/fawn n’existent pas. Elle n’a, a priori, aucune incidence sur les couleurs red/crème. Ainsi, seules les quatre couleurs noire, bleue, black tortie et blue tortie sont représentées en ambre.

Pour être ambre, les chats doivent être porteurs de deux allèles ee car cette mutation est récessive.

La panoplie des agoutis

La plupart des chats possèdent naturellement des poils tiquetés où alternent des bandes pigmentées (dus à la présence d’eumélanine, un pigment foncé) et des bandes plus claires (contenant de la phéomélanine, pigment jaune à rouge). Ils sont alors dits agoutis, du nom de gros rongeurs sud-américains au pelage brun hétérogène.

L’allèle A des chats agoutis est dominant. Les non-agoutis, dont aucun poil n’est marqué de bandes alternées, font apparaître des zones de couleur beaucoup plus uniformes, comme tous ceux présentés jusqu’ici : ils portent les deux allèles récessifs aa.

Parmi les particularités des chats agoutis se distinguent les chats tabby et leurs différents motifs, ainsi que les tipped, ayant le pigment repoussé à l’extrémité distale du poil au lieu d’exposer une alternance clair-foncé tout le long du poil. Mais tous comportent des caractéristiques propres à tous les chats agoutis : une marque en “M” sur le front, un maquillage autour des yeux, des patons (côtés du museau) et le menton plus clairs que le reste de la robe.

Quatre motifs de tabby

La robe tabby est une alternance de poils uniformes et agoutis (couleur de base entrecoupée de bandes noires). Elle se retrouve chez les chats porteurs des allèles Aa ou AA. Il en existe différents motifs :

- le blotched tabby (ou marble chez le chat de race bengal) présente un motif des flancs à base de grandes boucles en spirales et de larges anneaux sur la queue et les pattes.

- le mackerel tabby (rappelant le maquereau) désigne, en fait, le motif tigré sur les flancs avec des anneaux plus étroits sur les pattes et la queue.

- le spotted tabby comporte un motif hachuré en îlots individuels, dits spots, représentant de petits ronds sur les flancs. Le bengal possède parfois une robe spotted tabby modifiée, appelée rosettes ou donuts : la tache est claire à l’intérieur et bordée, de façon interrompue ou non, de noir.

- enfin, pour le ticked tabby, les flancs sont intégralement tiquetés, comme chez l’abyssin, le somali ou le singapura.

Lorsque la couleur de base est le noir chez un chat tabby, on parle de brown tabby et non pas de noir tabby, ni de black tabby. Ce brown (“brun” en anglais) correspond pourtant bien à un chat dont l’eumélanine est noire et non pas chocolat.

Les tipped au bout du poil coloré

Le gène Wb pour white band (“bande blanche”) ne s’exprime que chez les chats agoutis, mais il peut être masqué chez les autres. L’allèle Wb est dominant, et un animal possédant au moins un allèle A (agouti) et un allèle Wb sera tipped.

Les chats tipped montrent sur chacun de leur poil une coloration uniquement de l’extrémité distale : un tiers à un quart du poil est coloré chez les shaded (de “shade”, “ombre”) et il l’est seulement sur un huitième de longueur chez les shell. Ces robes se retrouvent majoritairement chez les persans, donnant des variétés où il ne reste plus de la couleur de base qu’un léger ombrage à la pointe du poil.

À cela s’ajoute l’effet du gène I responsable de l’inhibition de la phéomélanine. Les chats porteurs d’un allèle I dominant sont pourvus d’une robe de base blanc argenté appelée silver . Ceux porteurs de deux allèles récessifs ii possèdent une robe jaune dorée appelée golden.

Lorsque le chat est silver et qu’au plus un huitième du poil est coloré, le terme employé est chinchilla (c’est donc un synonyme de silver shell). Dans tous les cas, la nature du pigment est toujours précisée en premier dans le nom de la robe. Elle se décline en black chinchilla, blue chinchilla ou red chinchilla, même si la fourrure de ces chats donne à première vue une apparence de blanc tout juste saupoudré.

Chez les chats tipped (shaded ou shell), ceux qui ne sont pas silver sont tous dénommés golden à la place du silver. Les robes sont ainsi black ou blue ou red ou tortiegolden shaded (tipping sur un huitième, non silver) ou black/blue/red/tortiegolden shell (tipping sur un quart à un tiers, non silver).

Les chats porteurs de cet allèle I mais qui ne sont pas agoutis sont dits smoke (“fumée”), ajouté derrière le nom de la couleur de base.

Coloration sensible à la chaleur

La catégorie (ou le patron) distingue les chats qui revêtent la pleine expression de leur couleur, grâce à une tyrosinase normale, et ceux ayant un patron thermosensible. La tyrosinase est une enzyme nécessaire pour obtenir l’eumélanine et certaines mutations aboutissent à une moindre expression de la couleur sauf dans les zones dites froides du corps (museau, oreilles, pattes, queue, etc.).

Il existe quatre catégories, qui correspondent chacune à des combinaisons d’allèles sur le gène C (celui de l’enzyme tyrosinase) : C (allèle dominant), cb et cs (allèles récessifs). Par ordre, du plus homogène au plus contrasté, se classent :

- la pleine couleur (combinaison CC, Ccb ou Ccs), encore appelée traditionnelle ;

- la sepia (cbcb), comme chez le burmese ;

- la mink (cbcs), intermédiaire entre sepia et point, comme chez le tonkinois ;

- la point (cscs), comme chez le siamois ou le sacré de Birmanie.

Le chaton point est tout blanc quand il naît (le ventre de la mère étant un endroit chaud) et il faut attendre quelques semaines avant qu’il ne commence à prendre de la couleur aux extrémités, petit à petit.

De même, après une tonte, le poil repousse plus foncé puisque la zone tondue, non protégée par le poil, tend à être plus froide. Le phénomène est réversible et le chat reprend sa teinte d’origine lorsque le poil se renouvelle. À l’inverse, lorsque les chats de couleur point sont maintenus relativement longtemps à température élevée (hyperthermie, par exemple), la teinte a tendance à diminuer. Lors de conjonctivite, des “lunettes” claires peuvent apparaître.

Les panachés, les blancs

Le gène S est le principal gène de panachure du blanc. Les chats possédant deux allèles récessifs ss n’ont pas de blanc. Ceux qui portent un ou deux allèles S dominant sont bi- ou tricolores, selon leur couleur de base.

L’étendue du blanc est très variable et contrôlée par plusieurs gènes, pas encore tous identifiés clairement. Il est d’usage de distinguer ces chats par la proportion approximative de blanc :

- “et blanc”, quand il y a moins de 50 % de blanc ;

- “et blanc arlequin”, entre 50 et 80 % de blanc ;

- “et blanc van”, pour plus de 80 % de blanc.

En revanche, si le blanc est limité aux extrémités des pattes, le chat est dit mitted (“ganté” en anglais). Il s’agit d’un allèle récessif, comme chez le sacré de Birmanie, notamment.

Les chats blancs le sont entièrement, sur la totalité des poils, et ont le contour des yeux, la truffe et les coussinets roses. Ils sont porteurs d’au moins un allèle W dominant. C’est la seule couleur pour laquelle il convient de préciser la couleur des yeux, à savoir bleus, verts, or, ou vairons (de couleur différente). Les chatons naissent avec une tache de couleur sur le dessus de la tête qui disparaît en quelques semaines mais qui permet de savoir de quelles couleurs est porteur le chat.

Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas que les chats blancs aux yeux bleus qui peuvent être sourds, puisque 50 % des chats blancs tout venant sont sourds, quelle que soit la couleur de leurs yeux. La surdité peut toutefois atteindre 70 % chez ceux aux yeux bleus. Ce pourcentage tend à diminuer nettement chez les chats de race grâce à une sélection drastique des éleveurs sur cette pathologie. Néanmoins, la démarche n’est pas évidente, car il s’agit d’une anomalie génétique à pénétrance incomplète qui peut donc s’exprimer ou non selon chaque chat, voire selon chaque oreille…

Comment nommer précisément une robe féline ?

La félinotechnie utilise beaucoup de mots anglais qui sont compris internationalement, mais il est de coutume en France de garder le terme français pour les couleurs noire, rousse et bleue s’il n’est suivi par aucun terme anglophone. Par exemple, un chat noir est noir, mais il sera black tortie (et non noir tortie).

De même, les chats à panachure blanche sont qualifiés de “et blanc” et non de “and white”. À retenir également : noir se transforme en brown si le chat est agouti (tabby), en black si le chat est silver, en seal (“phoque”) si le chat est sepia, mink ou point

Il en résulte plus de 3 500 combinaisons différentes, allant d’une appellation courte telle que roux à une description longue telle que fawn tortie silver mackerel tabby mink et blanc van ! Dans la pratique, seules quelques centaines sont véritablement utilisées (tableau).

Des appellations particulières

Dans quelques races, les éleveurs utilisent des dénominations plus exotiques telles que lièvre et sorrel (“alezan”) chez l’abyssin et le somali, bronze chez le mau égyptien, zibeline chez le burmese anglais et le burmese américain, ainsi que snow (“neige”), charcoal (“charbon”) ou melanistic (“pigmenté”) chez le bengal, par exemple. À noter que les chats sans poils (les sphinx) sont porteurs des mêmes couleurs que les autres, à la différence près que celles-ci se voient uniquement sur la peau de l’animal.

NOTIONS DEGÉNÉTIQUE

La couleur d’un chat est inscrite dans ses gènes. La maîtrise de quelques termes de génétique est donc nécessaire.

•Gène : un gène est un fragment d’ADN. Chaque espèce dispose d’un même nombre de gènes, qui dirigent les caractères physiques de l’individu (ici la couleur du pelage), mais aussi physiologiques, comportementaux, etc.

•Chromosome : les chromosomes portent les gènes. Chaque espèce dispose d’un nombre fixe de chromosomes : 38 chez le chat. Ils vont par deux : le chat a donc 19 paires de chromosomes. Les chromosomes d’une même paire portent les mêmes gènes, mais pas forcément les mêmes allèles (voir ci-après). Les chromosomes sexuels sont une exception : les femelles portent une paire de chromosomes X, mais les mâles, un X et un Y (auquel il manque une “branche” du X donc une partie des gènes).

•Allèle : pour un même gène, il existe plusieurs séquences possibles, nommées allèles. C’est la combinaison des deux allèles (un sur chaque chromosome) qui détermine le caractère exprimé.

•Allèle dominant : un allèle dominant (noté généralement par une lettre majuscule) s’impose sur les autres. Il s’exprime donc quel que soit l’allèle porté par l’autre chromosome.

•Allèle récessif : inversement, l’allèle dominé est dit récessif (noté par une lettre minuscule). Il ne s’exprime que s’il est présent sur les deux chromosomes.
Par exemple pour le gène black (couleur de base noire), l’allèle B est dominant sur les autres allèles b et bl : un chat portant les deux allèles BB, Bb ou Bbl sera noir. L’allèle b est aussi dominant sur bl : un chat portant les allèles bbl sera donc chocolat. Seul un porteur des allèles blbl est cinnamon.
Lorsque la chatte se reproduit, elle transmet à son chaton un seul chromosome de chaque paire, donc un seul allèle pour chaque gène. L’autre allèle provient du père. Dans une même portée, les chatons sont issus de différents ovocytes et spermatozoïdes (avec une distribution des chromosomes propre à chacun). Cela explique qu’ils peuvent être de couleurs différentes.

LA COULEUR DES CHATONS À NAÎTRE

Il reste compliqué de déterminer les couleurs attendues pour des chatons en fonction de la robe des parents. Il importe d’abord de déterminer le phénotype des chats (la robe que l’on voit), puis les différents génotypes possibles (les deux allèles pour chaque gène intervenant dans la détermination de la couleur) pouvant y être associés. Ensuite, les différents génotypes possibles issus du croisement déterminent les différents phénotypes attendus. Pour les chats de race inscrits au Livre officiel des origines félines (Loof), il existe une application1 très utile qui, à partir du seul numéro d’identification des deux parents, indique la couleur de ces derniers, mais aussi tous les génotypes et phénotypes possibles issus de leur croisement.

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