La rupture du ligament croisé antérieur - Ma revue n° 101 du 08/09/2016 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 101 du 08/09/2016

MÉDECINE CANINE

FORMATION

Auteur(s) : ÉLODIE GOFFART 

Très fréquente chez les chiens de tous âges, la rupture du ligament croisé antérieur du genou provoque douleur et boiterie. Elle évolue mal si elle n’est pas prise en charge, chirurgicalement le plus souvent.

Le personnel des établissements vétérinaires est familier des boiteries chez le chien et le chat. La suspicion d’une rupture du ligament croisé antérieur (LCA) doit motiver une consultation rapide, car cette affection est douloureuse et tout retard dans sa prise en charge médicale et/ou chirurgicale peut avoir des conséquences à long terme sur la qualité de vie de l’animal atteint, voire sur son espérance de vie.

Affection orthopédique la plus fréquente

Le LCA est le principal élément de stabilité cranio-caudale du genou. Sa rupture (partielle ou totale) est l’affection orthopédique la plus fréquente du membre postérieur chez le chien. C’est une entorse du 3e degré, responsable de l’apparition de boiterie puis, très rapidement, d’arthrose du genou. Différentes méthodes curatives existent : traitement médical, prise en charge par physiothérapie ou différentes techniques de correction chirurgicale.

Chez les races ou les individus prédisposés, les mesures de prévention sont à expliquer au propriétaire par l’équipe soignante (encadré page 11).

Anatomie du genou

L’articulation du genou, également appelée grasset chez l’animal ou articulation fémoro-tibio-patellaire, met en relation trois os : le fémur, la rotule (ou patella) et le tibia. Cette articulation permet notamment les mouvements de flexion et d’extension du tibia par rapport au fémur, grâce aux nombreux ligaments qui relient les os entre eux.

Les surfaces articulaires du fémur et du tibia ne sont pas congruentes (elles ne s’emboîtent pas) : l’articulation se fait par l’intermédiaire des ménisques (formations fibro-cartilagineuses de forme semi-lunaire) interposés latéralement et médialement.

Les ligaments les plus importants de cette articulation sont les deux ligaments croisés : l’antérieur (ou cranial) et le postérieur (ou caudal). Leur dénomination est liée à leur site de rattachement sur le tibia, ainsi qu’à l’impression qu’ils donnent de se croiser sur leur trajet. Les ligaments croisés sont des ligaments fémoro-tibiaux intra-articulaires qui relient l’extrémité distale du fémur à l’extrémité proximale du tibia.

Un ensemble de muscles permet la mise en mouvement de l’articulation du genou : les extenseurs du grasset (muscle quadriceps fémoral surtout), les fléchisseurs du grasset et les muscles de la jambe.

La vascularisation de l’articulation est effectuée par les artères caudales, l’artère latérale proximale et l’artère descendante du genou. Seule la partie périphérique des ménisques est irriguée. L’innervation sensitive (qui transmet notamment la douleur) est assurée par des branches du nerf tibial et du nerf fibulaire commun, alors que l’innervation motrice (qui permet la mobilité) dépend en extension du nerf fémoral et en flexion du nerf sciatique.

Multiples rôles du LCA

Les fonctions du LCA dans la stabilité du grasset sont multiples. Il prévient l’hyperextension du grasset et la rotation interne. Mais surtout, il s’oppose à la poussée tibiale craniale. Celle-ci correspond à la force générée sur le tibia lors de l’appui de la patte sur le sol, en raison du poids du corps de l’animal et de l’action des muscles et des tendons qui relient le fémur au tibia.

Traumatisme ou cause inconnue

Lors de boiterie du membre postérieur chez un chien, le vétérinaire constate souvent une rupture du ligament croisé antérieur ainsi que, dans 50 % des cas, des lésions des ménisques.

La cause de la rupture est souvent inconnue. Dans environ un quart des cas, elle est purement traumatique, l’animal ayant subi un traumatisme aigu du genou. Ces chiens sont typiquement de jeunes chiens très actifs, ayant réalisé un effort volontaire brusque et intense, augmentant les forces de tension du LCA jusqu’à son point de rupture. Il s’agit, en général, d’un départ de course (après un chat, par exemple) ou d’une réception au sol (après un saut ou une chute, notamment dans un trou). La rupture peut aussi résulter d’un trauma direct, tel qu’un accident de la voie publique.

Dans les nombreux autres cas, les chiens atteints n’ont pas d’historique de traumatisme. L’animal est amené en consultation en raison d’une boiterie franche du membre postérieur affecté. Mais les propriétaires rapportent parfois des épisodes précédents de boiterie moins grave, faisant penser à un phénomène dégénératif chronique sur des animaux âgés, en majorité, de plus de 6 ans.

Douleur et boiterie

La première conséquence clinique d’une rupture du LCA est la douleur. Dans le cas d’une rupture traumatique, la douleur est généralement d’apparition suraiguë : l’animal couine ou geint, refuse de se déplacer et/ou ne pose pas du tout la patte (suppression totale d’appui, photo page 10). Généralement, ces animaux sont rapidement amenés à la clinique vétérinaire. Quelques jours après la rupture, une inflammation à la fois intra-articulaire et périarticulaire se développe. Elle est décelée par palpation et peut être confirmée par radiographie.

Dans les cas de rupture dégénérative, les symptômes sont souvent identiques mais moins aigus. Ils ne motivent pas toujours une consultation immédiate, les propriétaires se disant que les signes vont passer puisque, bien que le chien pose moins la patte, il ne semble pas avoir mal. En effet, la plupart du temps, le chien boite mais garde son appui sur le membre atteint, celui-ci étant simplement tenu en position plus fléchie que le membre sain, de manière à réduire la charge corporelle qui lui est appliquée. La douleur est chronique, les vocalises rares.

Le signe du tiroir

Pour confirmer le diagnostic, le vétérinaire peut mettre en évidence une laxité articulaire dans le sens cranio-caudal. Celle-ci peut être révélée par le signe du tiroir (translation craniale du tibia par manipulation du genou fléchi à 30°, parfois sous légère sédation) ou par le test de compression tibiale (le tarse est fléchi d’une main, alors que l’autre contrôle la position de la crête tibiale par rapport au fémur). Cette seconde manipulation est très utile chez un chien de grand format, dont la musculature gêne la mise en évidence d’un signe du tiroir.

D’autre part, il est possible d’observer une rotation tibiale interne supérieure à la normale. Et une douleur est fréquemment retrouvée à l’hyperextension du genou. Enfin, lorsque le chien est assis, une dissymétrie de l’assise s’observe : du côté atteint, la patte est légèrement tournée vers l’extérieur pour soulager la douleur.

Rapide fonte musculaire

Après une rupture du LCA non prise en charge, une amyotrophie du membre atteint peut être constatée assez rapidement (en quelques semaines, photo ci-dessus). Elle est la conséquence d’un soulagement permanent de la patte, qui est alors moins utilisée. Inversement, elle peut s’accompagner d’une hypertrophie des muscles du membre opposé, qui supporte une plus grande partie du poids du corps.

Diagnostic par l’image

La radiographie est utile lorsque le diagnostic clinique est douteux. Un cliché de profil du membre, genou et jarret fléchis à environ 90°, permet de mettre en évidence une éventuelle subluxation tibiale craniale (décalage vers l’avant de l’extrémité proximale du tibia par rapport à l’extrémité distale du fémur). La radiographie offre l’autre avantage d’objectiver d’éventuelles lésions d’arthrose qui peuvent apparaître dès 2 semaines après la rupture du ligament.

S’il est proposé, l’examen arthroscopique du grasset se réalise sous anesthésie générale et doit respecter toutes les règles d’asepsie de la chirurgie orthopédique. Il consiste à introduire un arthroscope à l’intérieur de l’articulation du grasset pour y visualiser les différentes structures. L’arthroscopie permet un diagnostic de certitude de la rupture du LCA, mais ne présente d’intérêt pratique que si le traitement chirurgical est envisagé dans le même temps anesthésique.

Plusieurs techniques de correction chirurgicale

Dans la plupart des cas de rupture du LCA, la chirurgie est le meilleur choix thérapeutique pour apporter à l’animal une récupération fonctionnelle rapide et durable, ainsi qu’une prévention de l’arthrose sur le long terme. Différentes techniques existent, avec des stratégies opératoires, des contraintes et des coûts différents.

Les premières méthodes mises au point depuis les années 1950 consistent à remplacer le ligament rompu par une prothèse biologique ou synthétique qui assure la stabilisation cranio-caudale du genou, comme le faisait le ligament lorsqu’il était intègre. Un traitement concomitant des éventuelles lésions méniscales est indispensable. Le principal risque est la rupture de la prothèse avant l’obtention d’une stabilisation de l’articulation par un phénomène de fibrose.

Une autre technique consiste à réduire la poussée tibiale craniale en diminuant chirurgicalement la pente du plateau tibial. Il ne s’agit plus ici de remplacer le ligament rompu, mais de s’opposer à la force qui, lors de l’appui du membre atteint, provoque une avancée de l’extrémité proximale du tibia par rapport à l’extrémité distale du fémur.

Il existe différentes techniques de nivellement du plateau tibial, la TPLO (pour tibia plateau leveling osteotomy) étant la plus connue et la plus pratiquée. Dans tous les cas, il est impératif de mesurer l’angle du plateau tibial afin de déterminer la correction à effectuer. Cette technique chirurgicale est actuellement plébiscitée, en raison de la récupération fonctionnelle très rapide qu’elle offre. Le principal frein à son développement reste son coût élevé et la lourdeur des éventuelles complications.

Place de la physiothérapie

Pour le suivi postopératoire, ou dans les cas où la chirurgie n’est pas possible, le recours à différentes techniques de physiothérapie a montré son intérêt pour la récupération des chiens. Les massages permettent d’atténuer la douleur, de solliciter doucement les muscles et de mobiliser l’articulation afin de favoriser la cicatrisation des cartilages.

La marche sur tapis immergé, avec une graduation de l’effort demandé dans le temps, permet de remuscler l’animal progressivement et durablement (photo).

Comme en médecine humaine, la préconisation d’exercices de kinésithérapie devient de plus en plus fréquente après les chirurgies du ligament croisé, avec d’excellents résultats. Une dizaine de séances est nécessaire en moyenne.

Le traitement médical, en dernière option

Lorsqu’aucune autre option n’est envisageable en raison d’impératifs techniques (chien n’étant pas en état de supporter une anesthésie, chien très âgé), économiques (propriétaire ne souhaitant pas opérer) ou autres, une prise en charge médicale de l’affection peut être considérée. Elle consiste en un traitement de la douleur à base d’anti-inflammatoires généralement non stéroïdiens pendant plusieurs semaines. Un pansement de type Robert-Jones peut être réalisé pour immobiliser le membre pendant 2 à 3 semaines, afin de limiter les mouvements et la douleur. Un repos complet est indiqué pendant 8 semaines (promenades exclusivement en laisse). L’administration de chondroprotecteurs par voie orale (ou dans l’alimentation) peut être prescrite en relais des antalgiques, pour toute la vie de l’animal.

En quelques semaines, une régression des symptômes est observée. Elle est généralement de meilleure qualité chez les chiens de poids inférieur à 10 kg. Il convient cependant de prévenir les propriétaires de l’installation progressive d’arthrose, surtout chez les chiens de grand format. Celle-ci est susceptible de réduire leur espérance de vie, en particulier si d’autres troubles orthopédiques viennent s’ajouter au problème du genou (arthrose de la hanche, notamment). De plus, le report du poids du corps sur l’autre membre postérieur est un facteur de risque supplémentaire pour la rupture du LCA de l’autre patte, surtout quand il s’agit de causes dégénératives. Et lorsque les deux membres postérieurs sont atteints, la locomotion devient très difficile, voire impossible, aboutissant alors à l’euthanasie de l’animal.

PRÉVENTION CHEZ LES RACES PRÉDISPOSÉES

Plusieurs facteurs de prédisposition de la rupture du ligament croisé antérieur (LCA) sont connus.

•Génétiques :certaines races canines, comme le labrador, le rottweiler et le golden retriever, semblent prédisposées.

•Morphologiques : malformation du genou, luxation de la rotule chez les chiens de petites races, jarret droit chez le sharpeï et le bouledogue.

•Environnementaux : liés à l’âge, à la sédentarité et surtout à l’obésité.
Il n’existe pas de traitement préventif de la rupture du LCA. Des mesures hygiéniques peuvent cependant être conseillées au propriétaire. Ainsi, surtout si l’animal appartient à une race prédisposée, il convient de veiller au maintien d’un score corporel optimal, car tout excès de poids est un facteur favorisant. De plus, il est important d’entretenir une musculature harmonieuse chez ces chiens, car un exercice modéré régulier favorise une bonne santé de l’articulation.

RUPTURE DU LCA CHEZ LE CHAT

L’anatomie du grasset du chat est identique à celle du chien. Cependant, les cas de rupture du ligament croisé antérieur (LCA) sont beaucoup plus rares dans l’espèce féline. Le chat est un animal agile et léger : la rupture traumatique du ligament est donc rarissime, sauf en cas d’accident. La dégénérescence du ligament est également peu fréquente dans cette espèce. Enfin, le chat est un animal à la symptomatologie frustre. Il est donc possible que les propriétaires ne se rendent pas compte que leur animal présente un trouble locomoteur. Les ruptures du LCA sont ainsi probablement sous-diagnostiquées dans cette espèce.
Les techniques de correction chirurgicale sont les mêmes que chez le chien. Mais l’intérêt de la chirurgie est à discuter avec le propriétaire, en raison de la capacité phénoménale de récupération des félins : sans avoir été opérés, il arrive que les chats atteints continuent de vivre très bien et sans boiterie.
Origine traumatique pour un quart des cas.
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