« Le couplage est une partie de la solution du plan ÉcoAntibio » - Le Point Vétérinaire.fr

« Le couplage est une partie de la solution du plan ÉcoAntibio »

Éric Vandaële | 22.11.2013 à 15:03:48 |
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Menacés l’an dernier, les vétérinaires français impliqués dans le plan ÉcoAntibio sont félicités cette année par le ministre de l’Agriculture comme les « bons élèves de l’Europe et du monde ».

Paris, 14 novembre 2013. « On pouvait penser que le découplage était la solution. Cela a été souvent présenté comme cela. En fait, au contraire, le couplage est un élément de la solution pour débanaliser les antibiotiques » et lutter contre l’émergence des résistances. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, a fait cette déclaration-confession publique devant près de 200 personnes, réunies au siège de l’Organisation mondiale de la santé animale : il y avait là le directeur de l’OIE, des médecins, des vétérinaires, des microbiologistes, des représentants du ministère de la Santé (notamment le directeur général de la santé) de l’Assurance maladie (Cnam TS), de nombreuses agences sanitaires (Anses, ANSM, InVS).

Paris, 14 novembre 2012*. Il y a tout juste un an, Stéphane Le Foll demandait « un examen sans tabou ni a priori du découplage prescription-délivrance afin de supprimer toute forme d’incitation commerciale ». Il se déclarait prêt à prendre les mesures législatives, dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, qui vient d’être déposé devant le Parlement, heureusement sans cette mesure.

Pour expliquer sa nouvelle position en faveur du couplage, le ministre reprend désormais les arguments des vétérinaires français. Les pays les plus fortement consommateurs d’antibiotiques sont ceux d’Europe du Sud qui pratiquent le découplage. Ce sont aussi ceux-là qui augmentent leurs consommations d’antibiotiques, comme en Espagne. Il confirme en outre que le ministère de la Santé, partisan du découplage, et celui de l’Agriculture, partisan du couplage, ne partageaient pas la même position. L’absence démontrée d’efficacité du découplage en Europe pour réduire les usages a convaincu le gouvernement de revenir sur la mesure proposée par le ministre de la Santé.

De la menace aux félicitations
Il y a un an, Stéphane Le Foll agitait une menace. À demi-mot, les vétérinaires-prescripteurs étaient accusés de ne pas faire suffisamment d’efforts pour « utiliser moins et mieux les antibiotiques, uniquement quand c’est nécessaire. D’énormes progrès [restaient] à faire », soulignait-il alors.

Aujourd’hui, le ministre s’appuie aussi sur les bons résultats du plan ÉcoAntibio 2012-2013, affichant une réduction de 40 % des usages d’antibiotiques (en tonnages) en cinq ans, entre 2007 et 2012. Le plan n’a pourtant été officiellement lancé qu’en novembre 2011. D’ailleurs, la quasi-totalité des 40 mesures proposées il y a deux ans ne sont pas en vigueur, mais restent toujours « en cours d’élaboration ».

Aujourd’hui, les vétérinaires sont félicités. Ils sont sur la « bonne voie » et « dans la bonne direction ». Ce sont « les bons élèves » de l’Europe et du monde. Même s’il souligne encore que des « progrès restent à faire ». Mais jusqu’où ? Jusqu’à quel seuil ? En écho, Gérard Moulin, qui suit les déclarations des ventes d’antibiotiques au sein de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), s’est interrogé, en fin de journée, sur « le juste niveau de traitement des animaux par les antibiotiques ». Quels progrès réaliser et dans quelles filières ? Certaines espèces, comme les bovins adultes, ne consomment déjà que peu d’antibiotiques. Est-il alors possible de réduire encore leur usage sans risque pour la santé animale ?

Un prix bas banalise les antibiotiques
Il y a un an, Stéphane Le Foll voulait « réfléchir à une taxe sur les antibiotiques destinée à financer le plan ÉcoAntibio 2017 ». Aujourd’hui, ce n’est plus d’actualité. Mais la question du prix des antibiotiques est de nouveau sur la table. Le projet de loi propose de plafonner la marge des antibiotiques critiques à 15 % pour en réduire l’usage. Mais, pour le ministre, présenter des antibiotiques à un prix bas contribue à les banaliser et est contraire à l’objectif de réduction. Il souligne alors l’importance du réseau des vétérinaires-prescripteurs pour cela : beaucoup plus que la délivrance par les pharmaciens, c’est le respect de la prescription vétérinaire qui permettra un usage précis, efficace et utile des antibiotiques.

« Le devoir d’alerte » contre les États-Unis
Cette année, ce sont surtout les États-Unis qui sont accusés de « poursuivre des pratiques difficiles à accepter. Ce pays développé continue d’utiliser des antibiotiques pour améliorer les performances économiques, alors que cela est interdit en Europe depuis 2006. Il continue de les utiliser de manière préventive sur des animaux en bonne santé et d’avoir des prescriptions d’antibiotiques sans prescripteur. Outre-Atlantique, les antibiotiques sont vendus au comptoir sans prescription ».

Stéphane Le Foll met en avant son « devoir d’alerte » pour dénoncer, à l’OIE, de telles pratiques. Et faire valoir le point de vue de l’Europe, « largement en avance dans le monde », dans les négociations commerciales internationales avec les États-Unis. Les antibiotiques pourraient donc, à l’avenir, s’inviter à la table des négociations de l’Organisation mondiale du commerce, comme ce fut le cas, il y a 30 ans, pour les hormones.

* Voir l’interview du ministre de l’Agriculture du 14/11/2012

Éric Vandaële
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