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Ces biais qui faussent le jugement

Stéphanie Padiolleau | 09.11.2017 à 11:07:49 |
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© Vlladgrin– Istock

Nous sommes tous biaisés : nos décisions, nos jugements, ne sont jamais totalement objectifs, car le cerveau prend des raccourcis pour traiter les informations. De ces raccourcis (ou heuristiques) naissent des biais, qui peuvent être source d’erreurs et conduire à de mauvaises décisions.

Qui n’a jamais vécu cette désagréable expérience d’avoir passé du temps à expliquer quelque chose à son client, de penser avoir été clair et précis, et ensuite de se rendre compte que ledit client n’a retenu qu’une fraction du discours et ne l’a pas interprété de la façon dont on l’aurait voulu ? La responsabilité n’incombe ni à l’orateur ni à celui qui écoute, mais bel et bien au cerveau humain qui, sans s’en vanter, utilise des raccourcis pour stocker et comprendre les informations auxquelles il est soumis. De ces raccourcis naissent des biais, appelés biais cognitifs ou biais de réception de l’information, qui orientent le point de vue et constituent, comme en statistique, des erreurs systématiques dont il est difficile de se libérer.

Le prix Nobel d’économie 2017 a été attribué à Richard Thaler pour ses travaux en économie comportementale, qui visent à montrer comment les caractéristiques humaines, telles que les limites de la rationalité ou les préférences sociales, affectent les décisions individuelles et les orientations des marchés. En 2002, c’est un autre théoricien de l’économie comportementale, Daniel Kahneman, qui avait ainsi été récompensé, pour avoir appliqué en économie des connaissances issues de la psychologie, sur les jugements et la prise de décision dans un contexte d’incertitude. Ces deux chercheurs ont en commun de travailler sur les biais cognitifs, qui résultent de raccourcis de la pensée (les préjugés, par exemple). Kahneman a montré comment la prise de décision des individus s’écarte des prédictions économiques traditionnelles fondées sur la rationalité, à cause de biais qui faussent le raisonnement. En médecine, ces biais sont source d’incompréhension, ou de mauvaise compréhension, entre un praticien et son patient/client, car ils interviennent de manière systématique dans la façon dont est reçue l’information donnée par l’un ou l’autre et dans les prises de décisions qui en découlent.

Nature et rôle des biais les plus fréquents
Plusieurs centaines de biais ont été identifiés, certains plus ou moins redondants. Ils peuvent être classés selon le problème qu’ils aident à résoudre (trop d’informations à gérer ; manque de sens dans les données disponibles ; choix des éléments à retenir ; besoin d’agir vite) ou par types (liés à la mémoire, au raisonnement, au jugement, etc.). De ces biais se dégagent des tendances de raisonnement instinctif et des automatismes. Par exemple, on retient plus facilement une information ou une situation si elle est inhabituelle ou bizarre (on parle de biais de bizarrerie) ou quelque chose qui se dégage d’un ensemble (dans une situation où un individu est soumis à plusieurs stimuli, celui qui tranche par rapport aux autres est mieux mémorisé, phénomène aussi appelé effet de Von Restorff). C’est pour cela que des consignes de traitement expliquées de façon imagée ou avec de l’humour sont mieux comprises (et ont plus de chance d’être suivies) que s’il s’agit d’une liste uniforme, d’autant que dans le cas d’une liste, ce qui est en premier est mieux mémorisé que ce qui vient après (biais de primauté). Un autre biais fréquent est le biais de confirmation : c’est une tendance qui consiste à rechercher ou à retenir des informations qui vont confirmer une première impression ou un présupposé, et à écarter ce qui n’y correspond pas. Ce biais est à l’origine de certains mythes, comme certains effets de la pleine lune. Il se rencontre lorsqu’un praticien prend l’habitude d’un schéma thérapeutique en n’ayant comme élément d’évaluation que les avis positifs des clients satisfaits, sans avoir connaissance des cas où le traitement n’a pas fonctionné. C’est aussi ce type de biais qui fait courir les patients d’un médecin à l’autre jusqu’à ce qu’ils en trouvent un qui va confirmer leur propre hypothèse en négligeant tous les avis contraires. Une variante est la perception (ou rétention) sélective. Il est souvent associé au biais d’ancrage, qui est l’influence laissée par une première impression et qui empêche de prendre en compte d’autres éléments importants. En clientèle vétérinaire, le prix peut créer un biais d’ancrage, lorsque les clients ne prennent en compte que cet élément dans leur choix et négligent d’autres facteurs, comme la compétence, la disponibilité, les moyens techniques, etc.

Retrouvez l'intégralité de cet article en pages 56-57 de La Semaine Vétérinaire n° 1739.

Stéphanie Padiolleau
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